« En tant que citoyens nous devons empêcher les actes mauvais,
parce que le monde dans lequel nous vivons tous, auteur, victime, spectateur,
est en cause ; la Cité est atteinte »[1]
Résumé : On aurait
cru que les pires crimes du 20ème siècle appartiendraient à
l’histoire, mais grande est notre surprise de constater que nous continuons à
commettre les mêmes erreurs. Dans le cas des pays africains, les luttes pour
l’indépendance des années soixante et les revendications de démocratie des
années quatre-vingts dix n’ont pas améliorées les conditions de vie des
africains. Les dirigeants sont devenus « les penseurs » et les
fonctionnaires et autres sont devenus des simples exécutants faisant leur
devoir. Ce qui montre dans le chef de ces différents fonctionnaires une
incapacité de penser, une banalité du mal. Il faut se réapproprier la pensée
pour poser des actes partant d’un jugement qui nous mettrait à l’aise avec
nous-mêmes.
Summary : Many would
think that different crimes of the 20th century are things of the past, but we
are ammazed that we are still commiting the same mistakes that lead to those
crimes. As for african countries, the struggles for independence of the sixties
and the cry for democracy of the nineties have changed nothing in ordinary
lives of africans. Leaders have become « thinkers » and many in
government positions have become simply officials doing their job. This shows a
lack of ability to think, a banality of evil. We must regain our capacity to
think as to act after a judgment that will make us be in peace with our own
conscience.
Dans
Condition de l’homme moderne, Hannah
Arendt s’était consacrée à développer la triade de la vita activa (travail, œuvre et action ; c’est-à-dire l’homme
en tant qu’animal laborans, homo faber
et protagoniste d’actes publics). Nous avons eu l’opportunité d’aborder cette
triade dans notre livre Agir politique et
banalité du mal[2].
Pour elle, les conditions de l’existence humaine ne se réduisent nullement
à ces trois activités ; la naissance, la vie, la mort, la pluralité en
font aussi partie. L’intention d’Arendt
était de consacrer un autre livre à la triade de la vita contemplativa (Pensée, volonté et jugement). Malheureusement,
la mort ne lui avait pas permis de finaliser ce projet. Elle nous a cependant
légué, dans le cadre de la vita
contemplativa, son livre La vie de
l’esprit traitant de la pensée et de la volonté. Citant Hughes de Saint
Victor, Arendt dit que « la vie active est `laborieuse’, la vie
contemplative tranquillité pure ; la vie active se déroule en public, la
vie contemplative `au désert’ ; la vie active est vouée à `la nécessité
d’un voisinage’, la vie contemplative à `la vison de Dieu’ »[3].
Arendt envisage les affaires des
hommes sous trois perspectives. D’abord, elle voit l’homme en tant que membre
de l’espèce humaine (dépourvu de toute singularité), ensuite elle le voit sous
l’angle de sa rationalité et de sa moralité (c’est-à-dire capable de soumettre
son agir à un ensemble de règles préalablement établies) et enfin elle
appréhende l’homme à la lumière de sa condition politique et de son
appartenance au monde pluriel des affaires humaines. Dans les deux premières perspectives,
il est question d’une multiplicité d’individus en tous points de vue identiques
les uns aux autres, tandis que dans la dernière perspective, l’homme apparaît
comme un individu unique et singulier.
Eu
égard à la situation politique dans différents pays du monde et plus
particulièrement en Afrique où l’autoritarisme des politiciens et l’incapacité
de penser de plusieurs d’entre eux retardent la démocratie et le développement,
je voudrais me ressourcer chez Hannah Arendt à partir de la triade de la vita contemplativa. Je développerai ma
pensée autour du concept clé de banalité
du mal et son impact sur la vie en société. Notre société est certes une
société en crise dans plusieurs domaines. Mais quand la politique – qui est
l’organisation de la cité – est en crise, les autres domaines de la vie en
société ne peuvent que subir un coup fatal. Ce qui est important c’est de
comprendre que la crise, au-delà de son aspect négatif de destruction d’un modus vivendi traditionnel, est une
opportunité d’innovation et de création d’un nouvel ordre « plus beau
qu’avant ». Les erreurs du passé doivent devenir l’occasion de créativité
d’une nouvelle vision d’un vivre ensemble plus harmonieux. C’est l’expérience
de la crise qui était au centre de la pensée d’Arendt. Le problème c’est que
dans beaucoup de pays, surtout d’Afrique, les crises ne permettent souvent pas
la création d’un ordre nouveau ; au contraire, on passe de crise en crise.
Les donneurs de leçons du hier deviennent les bourreaux d’aujourd’hui.
Nous commencerons par chercher à comprendre
le vrai sens de l’expression « banalité du mal » avant de montrer le
danger de l’oubli dans la vie d’une nation, car les mêmes causes produisent les
mêmes effets, dit-on.
1.
La
banalité du mal
Souvent
quand on entend parler de banalité du mal, beaucoup ont tendance à penser qu’il
s’agit d’une banalisation du mal. Banalité du mal équivaudrait ainsi à
banalisation du mal. Une telle interprétation a valu à Arendt un certain
mépris, sinon la furie de ses lecteurs, surtout de la part de ses frères et
sœurs rescapés de la Shoah qui suivaient avec une attention soutenue le procès
d’Eichmann. « Le diagnostic de la banalité du mal ne vise certes pas à
exempter le criminel d’une responsabilité morale à l’égard de ses actes, même
si le fondement d’une telle responsabilité demeure obscur »[4].
Arendt,
qui suit le procès sous la casquette d’une envoyée du journal New York Times, « ne comprend
rien » des explications que donne le criminel qu’est Eichmann. Selon ce
dernier, il n’a fait que son devoir – se référant même ainsi à Kant. Pour
Arendt, Eichmann n’a pas compris le sens du concept devoir chez Kant. Le langage de Eichmann, cet homme ordinaire, qui
manque de pensée, est un langage bourré de clichés, des phrases toute faites,
de codes d’expressions standardisés et conventionnels. Ce genre de langage
protège de la réalité, « c’est-à-dire des sollicitations que faits et
événements imposent à l’attention, de par leur existence même »[5].
De là est sortie l’expression « banalité du mal ». Mais qu’est-ce
alors ?
La
banalité du mal n’est pas, pour Arendt, une doctrine ou une théorie mais
quelque chose de factuel se distinguant uniquement par une extraordinaire
superficialité ; ce n’est pas de la stupidité mais une curieuse et
authentique inaptitude à penser[6].
Pour Arendt, Eichmann ne connaissait pas l’exigence de la pensée car il
accepte, sans coup férir, que ce qu’il considérait en son temps comme devoir se définit maintenant comme crime. Pour Eichmann, ce code pénal
devenait un nouveau langage. Comment qualifier cela, sinon d’une totale absence de pensée.
« L’absence de pensée ne veut pas dire stupidité ; elle se manifeste
chez des gens très intelligentes et elle ne provient pas d’un cœur
mauvais ; c’est sans doute l’inverse qui est vrai, la méchanceté peut être
causée par l’absence de pensée »[7].
La
pensée est un questionnement par essence ; elle est « cette capacité
infinie de questionnement, qui permet d’échapper aux conditionnements
politiques, sociaux, culturels, et de prévenir par conséquent cette humanité
trop banale au point d’en devenir bestiale, soit : cette inhumanité qui se marque par l’inertie,
la paresse de la réflexion, le manque de profondeur et, finalement, l’horreur
de crimes accomplis comme machinalement, sans motif ni passion »[8].
L’activité de penser c’est « l’habitude d’examiner tout ce qui vient à se
produire ou attire l’attention sans préjuger spécifique ou des
conséquences »[9].
Toute personne amoureuse de la sagesse doit donc être à mesure de faire un
examen critique ; c’est-à-dire guidé par le besoin de réfléchir sur toute
chose et de soumettre toute chose – et surtout tout agir – à l’examen critique. Dans ce sens, pensée et
jugement vont ensemble ; car notre aptitude à juger, à distinguer le bien
du mal, le beau du laid dépend de notre faculté de penser. L’inaptitude à
penser et le désastreux manque de conscience coïncident. L’étymologie même du
mot con-science l’indique bien. Être con-scient c’est au fait « connaître
avec et par soi » ; il s’agit d’un type de connaissance qui est
actualisé par le processus de pensée. « L’activité de penser en elle-même,
l’habitude de tout examiner et de réfléchir à tout ce qui arrive sans égard au
contenu spécifique et sans souci des conséquences, cette activité peut-elle
être de nature telle qu’elle `conditionne’ les hommes à ne pas faire le
mal ?»[10]
La
banalité du mal c’est l’incapacité à penser par soi-même – à penser notamment
du point de vue d’autrui ; c’est l’absence de pensée qui soustrait à tout
examen critique ; ce n’est pas une banalisation du mal.
« L’inaptitude à penser n’est pas la stupidité ; elle peut s’observer
chez des personnes très intelligentes, et la méchanceté peut difficilement en
être la cause, compte tenu du fait que l’absence de pensée comme la stupidité sont des phénomènes
plus courants que la méchanceté. Le problème réside précisément en ce qu’il
n’est nullement nécessaire d’avoir un cœur mauvais, phénomène assez rare, pour
causer de grands maux. Ainsi, en termes kantiens, l’on aurait besoin de la
philosophie, l’exercice de la raison en tant que faculté de la pensée, pour
prévenir le mal »[11].
On
se rend ainsi à l’évidence que l’incapacité de penser n’est pas la prérogative
de quelques malchanceux qu’on pourrait qualifier d’idiots parce qu’ils
manqueraient d’intelligence. C’est une situation qui est à la porte de toute
personne humaine. Elle peut aussi bien concerner les érudits et autres
spécialistes de l’équipe mentale qu’une personne « ordinaire ».
L’incapacité de penser qui peut frapper tout le monde est cette possibilité
d’empêcher le rapport à soi-même, dont la possibilité et l’importance étaient
découvertes par Socrate : le deux-en-un socratique.[12]
Pour Arendt, ne sont capables de penser et dignes de confiance que ceux qui
sont inspirés l’eros socratique ;
car ils ont l’amour de la sagesse, de la beauté et de la justice. Socrate affirme deux choses
importantes : 1. « `commettre l’injustice est pire que la subir’, ce
à quoi Calliclès, l’interlocuteur de Socrate dans le dialogue, répond comme
l’aurait fait toute la Grèce : `subir (l’injustice) n’est même pas le fait
d’un homme : c’est bon pour un esclave, à qui la mort est plus avantageux
que la vie et qui, contre l’injustice et les mauvais traitements est sans
défense à la fois pour lui-même et pour ceux qu’il aime », et, 2.
« mieux vaudrait me servir d’une lyre dissonante et mal accordée, diriger un
chœur mal réglé ou me trouver en désaccord ou en opposition avec tout le monde,
que de l’être avec moi tout seul et
de me contredire »[13].
Le
travail de penser est comparable à la toile de Pénélope : elle défait
chaque matin ce qu’elle avait achevé la nuit précédente. Il n’y a que le mort
qui ne pense plus. La pensée va ensemble avec la vie. Pour Arendt, elle est
elle-même la quintessence dématérialisée du vivre. La vie ne saurait développer
sa propre essence sans l’exercice de la pensée ; elle manquerait de
signification. Ceux qui ne pensent pas sont comme des somnambules.[14]
Le
reproche des Athéniens à Socrate était que la pensée de ce dernier était
subversive, une pensée qui ressemblait à un orage dont le vent balayait tous
les signes bien établis, tous les repères bien établis qui permettaient aux
membres de leur communauté de s’orienter dignement dans le monde. Pour eux, la
pensée de Socrate apportait dans leur cité le désordre et la corruption de la
jeunesse. Ils empêchaient ainsi Socrate d’être un homme libre, un être qui
pense par lui-même et réfléchit en dehors des schèmes de pensée préétablis.
Mais que serait une vie sans examen !
Une
revue de l’histoire de l’humanité nous montre que le mal s’est incarné dans le
mal du pouvoir. Dans la Bible, par exemple, le prophète Amos fustige le
comportement des puissants qui commettent des crimes sur les pauvres
citoyens : travail forcé, déportation des captifs, exil des paisibles
citoyens, éventrement des femmes enceintes… Le tyran, ce « loup à forme
humaine » est esclave de ses désirs et fait violence à autrui ; il
devient aveugle à lui-même. Le despote, quant à lui, « n’a de pouvoir que
fondé sur la crainte qu’il inspire, et lorsque son bras se lève, c’est pour
donner la mort »[15].
Les
renversements des codes de conduite suggèrent que tout le monde dormait lorsque
survenaient des horribles crimes. Le 20e siècle nous a offert des
tristes expériences où l’on peut considérer la facilité avec laquelle les
régimes totalitaires ont pu renverser le commandement fondamental de la morale
occidentale : « tu ne tueras point » pour l’Allemagne de Hitler,
et « tu ne porteras pas de faux témoignage envers ton prochain » pour
la Russie de Staline. Il s’agit d’une incapacité de penser des hommes
transformés en masse. L’état a
orchestré l’anéantissement de l’homme. C’est là un problème majeur des systèmes
totalitaires du 20e siècle qui continue à hanter les pays africains dont
la tendance est d’infantiliser leurs citoyens. Cet anéantissement a un impact
moral qui s’insinue dans les mentalités des citoyens. La crise de
l’identification entraine une perte de la capacité à partager le monde avec
autrui. Le mal défie la pensée.
La
pensée est un dialogue solitaire et silencieux de soi avec soi-même. Ainsi, la
pensée, le deux-en-un du dialogue silencieux, actualise la différence au sein
de notre identité ; le jugement réalise la pensée, la rend manifeste au
monde des apparences où je ne suis jamais seul et toujours trop occupé pour
pouvoir penser. Pour Arendt, la faculté de juger, l’aptitude à dire
« c’est mal », « c’est beau », etc., est la plus politique
des aptitudes mentales. « Prenant le contre-pied des moralistes
classiques, Kant affirme que le mal n’a pas sa source dans l’irrationalité des
passions. Les penchants physiques, les inclinations sensibles, les désirs sont
moralement neutres : ils ne peuvent fournir que l’occasion de la
réalisation du mal… Mais la disjonction du mal et de la sensibilité ne porte
cependant pas Kant à rechercher l’origine du mal dans une `dépravation’ de la
raison qui ferait de l’homme un être `diabolique’ mû par l’intention de faire
le mal pour le mal »[16].
Paul
Ricœur considère que la quintessence du mal c’est le mensonge et l’auto
tromperie et non la désobéissance ou la transgression de la loi. On définirait
« l’homme mauvais » non pas comme celui qui veut le mal mais plutôt comme celui qui a une tendance secrète à
s’excepter lui-même. « On dira alors que le mal est perversion – toujours issue de la liberté – dans la mesure où se
trouve renversé l’ordre des rapports entre le respect de la loi morale et les
inclinations. Ce mal est perversion à
l’amour de soi érigé en règle de la volonté. Aussi le mal radical est-il
mensonge plutôt que rébellion ou désobéissance, conformité frauduleuse à la loi
plutôt que transgression ouverte »[17].
Le mal du mal est le mensonge, la falsification, le simulacre.
Par
sa pensée et son jugement, l’homme a l’aptitude de discernement des valeurs, la
perception de l’utile et du nuisible, du juste et de l’injuste, du bien et du
mal. Le désir le plus profond de l’homme n’est pas seulement de
« vivre » mais (de) « bien vivre ». Cependant, il sied de
noter que cette visée du « bien vivre », cette aspiration qui
s’attache en propre à la « vie bonne vie » est fragile. L’homme est
un couteau à deux tranchants : il peut tout autant être le meilleur de
tous les êtres vivants comme le pire de tous. Il peut user à bon escient des
armes que lui offre la nature grâce à la prudence et la vertu comme il peut
utiliser ces mêmes armes pour des fins diamétralement opposées. L’action, selon
Hannah Arendt, est la seule activité qui témoigne immédiatement de la condition
humaine de pluralité. Par elle, le sujet singulier révèle qui il est. Par son
action, le sujet entre par là même en relation avec autrui (avec, pour ou
contre lui).
Pour
Arendt, « le monde devient inhumain ou acosmique lorsque se défait
l’entrelacs que les hommes ont tissé, lorsque s’éparpille la durée où ils
entretiennent leurs conversations infinies et qu’il ne reste plus aucune trace
des paroles depuis longtemps expirées, lorsque enfin – faute d’avoir encore en
partage assez de mots intelligibles – ils se demandent ce qu’aux tard venus ils
pourraient bien léguer »[18].
Contrairement
au mal radical qui a trait à la profondeur des racines ou des motifs
(profondeur du démoniaque, de la volonté perverse, de la méchanceté
essentielle, des passions malfaisantes), la banalité du mal a affaire à la
condition d’un homme médiocre, dépourvu de motivations qui s’illustre par
l’absence de pensée et l’utilisation constante d’un langage stéréotypé, de
clichés standardisés qui le gardent dans une bulle hors de la réalité. Il
s’agit ainsi d’un homme ordinaire qui est le produit d’un système. C’est
pourquoi Arendt préfère le concept de « banalité du mal » à celui de
« mal radical ». Encore une fois, comme on le constate, pour Arendt,
la banalité du mal ne signifie pas la stupidité mais le manque de pensée ;
le manque de profondeur évident (c’est le cas d’Eichmann). Cette réalité
est-elle loin de nous quand certaines personnes vivent sur une autre planète et
débitent à longueur des journées des formules stéréotypées sans
scrupule et prêts à tout au nom du devoir !
Dans
le système totalitaire, décrit par Arendt, l’humanité est
« dénaturée », soustraite « aux critères de reconnaissance
du semblable par le semblable, c’est-à-dire à la possibilité même de
l’identification »[19].
Le système totalitaire anéantissait l’humanité de l’individu par un processus
en trois étapes : anéantissement de la personnalité juridique par la mise
en écart, hors la loi, de certains groupes humains ; anéantissement de la
personne morale en faisant devenir certaines personnes simplement anonymes ;
et, enfin, l’annulation de la singularité, de l’unicité unique de chaque homme.
L’individu n’est plus qu’un spécimen de l’animal humain et perd ainsi toute
spontanéité, c’est-à-dire la capacité reconnue à chaque nouveau né, chaque
nouveau venu sur cette terre des hommes, de commencer quelque chose de neuf à
partir de ses propres ressources. Le système a utilisé des fonctionnaires, des
hommes ordinaires pour annihiler les victimes avant de les amener à
« l’abattoir ». Les hommes devenaient superflus. « Est superflu
tout ce qui excède les réflexes instinctifs d’une espèce animale – l’espèce
animale humaine. L’homme comme spontanéité, doué d’une capacité d’initiative,
apte à accomplir l’imprévisible et l’improbable est de trop. Et c’est en tant
qu’ils sont potentiellement réduits à n’être que des échantillons
interchangeables que tous les
hommes, sans exception, peuvent devenir superflus, sans dommage pour
l’espèce »[20].
Pour
arriver à leurs fins Hitler et Staline se sont servis des fonctionnaires zélés
pour exécuter leur salle besogne. Pendant et après les faits, ces
fonctionnaires ont considérés n’avoir fait que leur devoir. Ils ont montré
ainsi qu’ils étaient incapables de penser par eux-mêmes. Le Führer ou le guide
éclairé était le penseur pour eux. Ils ont une pensée par procuration. Si aujourd’hui, le totalitarisme de cette
manière est loin de nous, on peut se demander si les fonctionnaires incapables
de penser par eux-mêmes ont disparu de cette terre.
2.
Le
danger de l’oubli
Les
mêmes causes produisent les mêmes effets. Comme le dit si bien Arendt, la
tradition c’est « le fil conducteur à travers le passé et la chaîne à laquelle chaque
nouvelle génération, sciemment ou non, était attachée dans sa compréhension du
monde et dans sa propre expérience »[21].
Le fil conducteur de la tradition nous guide dans les méandres du présent et de
l’avenir.
« Le désenchantement du monde : c’est encore
trop peu de dire qu’aujourd’hui il nous accable. En matière de `chose
politique’, de quelque manière qu’on l’entende, les réalités ont souvent été
scabreuses et il y a bien longtemps qu’on se lamente, qu’on s’indigne, qu’on
proteste, qu’on condamne et qu’on résiste. Que la politique soit maléfique,
qu’elle charrie avec elle tout un défilé de pratiques malfaisantes, implacables
ou perverses, c’est là une plainte aussi vieille que le monde. La politique est
le champ des rapports de force. La passion du pouvoir corrompt. L’art de
gouverner est celui de tromper les hommes. L’art d’être gouverné est celui
d’apprendre la soumission, laquelle va de l’obéissance forcée à l’enchantement
de la servitude volontaire. Personne n’ignore ces banalités, et pourtant elles
n’en existent pas moins »[22]
Les problèmes du passé
semblent se répéter des générations en générations. L’organisation de la cité
s’améliore un peu là où les hommes et femmes courageux ont su résister à la
forfaiture des gouvernants et s’est transformée en désenchantement là où les
citoyens se sont laissé traîner du bout du nez par les dirigeants. C’est ainsi
que souvent la politique a été considérée comme un mal ou une rationalité
indexée au mal – car les politiciens utilisent leur rationalité pour le mal. On
dirait alors que la politique est une rationalité moindre et un moindre mal.
C’est l’identification traditionnelle de la politique et du mal – surtout au
mensonge. La politique, depuis le machiavélisme, « était l’incarnation
hyperbolique du mal, son abcès de fixation, le kingdom of darkness »[23].
Un
monde sans repères est un monde voué à la destruction. Alexis de Tocqueville
n’avait pas tort de dire que si le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit
marche dans les ténèbres[24].
Dans la vague des conférences souveraines des années 90, tous les pays
africains recherchaient un autre mode de gouvernance, la démocratie. Cette
dernière a été réclamée à cors et à cris au prix du sang de beaucoup de citoyens
dans tous ces pays. Dans le cas de la République démocratique du Congo, par
exemple, la rébellion de l’AFDL était venue sonner le glas d’un pouvoir
dictatorial tant décrié. Le souci et le slogan étaient de retourner la
souveraineté au peuple pour une gestion de la res publica plus transparente et au bénéfice du peuple.
Aujourd’hui, vingt et un an après, que reste-il de cet idéal de démocratie pour
lequel des nombreux citoyens ont laissé leurs peaux ! De tous ces pays
africains qui ont souhaité embrasser à bras le corps la démocratie, très peu
ont gardé le cap. Les chansons à l’honneur des guides éclairés d’autrefois
refassent surface sous d’autres formes. Alors que l’on pensait que plus jamais
personne ne dirigerait le pays ad vita aeternam,
les thuriféraires d’un nouveau genre sont nés des cendres des anciennes
dictatures.
On
connait sans nul doute l’histoire d’Hitler qui dépluma – devant ses
collaborateurs – une poule et la laissait le suivre dans la pièce, malgré la
douleur, pour recevoir quelques miettes de blé qu’il laissait tomber. Aux yeux
stupéfaits de ces collaborateurs, la leçon d’Hitler était que c’est ainsi qu’on
gouverne facilement les idiots car malgré qu’il l’ait déplumée, la poule
continue à courir derrière lui. De même, certains sont prêts à lécher les
bottes du chef malgré qu’il leur ait enlevé toute dignité. Pour des petits
avantages matériels, beaucoup de gens perdent leur dignité et leur capacité de
penser. L’on tient alors un discours stéréotypé qui est débité à longueur des
journées par tous les collaborateurs. C’est donc l’incapacité de penser.
Par
leurs comportements, certaines personnes peuvent être qualifiées de monstres.
L’homme parait ainsi être les plus inquiétants des créatures. Ces monstres
existent mais, à en croire Arendt, ils sont peu nombreux. Ceux qui sont les
plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à
croire et à obéir sans discuter, comme Eichmann. Ces genres des personnes se
retrouvent à tous les niveaux de la gestion publique. Ces fonctionnaires sans
scrupule tracassent les autres citoyens et posent des actes incompréhensibles
pour toute personne usant réellement de sa raison. Pour eux, ils ne font que
leur devoir et sont incapables de fournir une explication plausible de leur
agir.
Contre
le désenchantement ou la radicalisation négative de la politique, des hommes se
sont levés au cours de l’histoire de l’humanité pour une radicalisation
symétrique et inversée. La politique ne devrait plus être perçue et voulue
comme une emprise maléfique de l’homme sur l’homme, mais bien plutôt comme une
reformation et une œuvre de salut. C’est le sens qu’on pourrait donner aux
différentes révolutions politiques survenues dans l’histoire. Lorsque la
politique moderne (celle révolutionnaire) s’est donnée la tâche de changer le
monde et de changer la vie, alors la « `sainteté’ a investi l’œuvre
politique et la politique est devenue l’abcès de fixation de la volonté du
bien : le kingdom of lightness »[25].
Il y a oscillation entre la déchéance et l’exaltation, l’identification au mal
et le renversement dans le bien.
La
communauté politique offre à l’homme le lieu d’actualisation de ses
potentialités proprement humaines. En devenant politique, l’occasion lui est
donné de se révéler, l’existence plurielle se règle. C’est dans ce contexte que
la parole et la raison fondent la possibilité du lien humain. La parole
s’adresse à une communauté d’interlocuteurs et l’on raisonne en tenant compte
des autres êtres raisonnables. Celui qui raisonne le fait aussi en lieu et
place des autres, c’est tout le sens de l’impératif catégorique de Kant. Cela
signifie la « reconnaissance du semblable par le semblable, par
l’imagination et la sympathie expansive qui à la fois nous portent vers autrui
et nous font exister à ses yeux »[26].
En
analysant la situation des pays africains, et en particulier de la République
Démocratique du Congo, on peut se demander si nous avons appris les leçons de
notre passé. Les gens se sont battus de plusieurs manières pour la démocratie.
Trente deux ans de dictature étaient une expérience que personne ne voulait
plus revivre. La dictature c’était l’enfer. « L’enfer, installé sur la
terre avant et non après la mort, c’est le lieu où la vie
disparait alors que l’homme est encore vivant, où le matériau humain – qui n’a
plus rien `d’humain’ – se traîne interminablement dans l’attente d’une mort qui
n’est plus une mort, en sorte qu’on ne sait plus très bien si le dit matériau
convient à l’animal, à la bête sauvage ou à l’homme »[27].
Comment peut-on vouloir revenir à la même situation d’antan sous des formes
déguisées ?
Notre réponse à cette interrogation est que nous sommes en pleine banalité du mal, c’est-à-dire devant
des politiciens et fonctionnaires incapables de penser par eux-mêmes. La répression
devient le mode opératoire au lieu de l’usage de la parole pour convaincre les
autres interlocuteurs de ses opinions
(et non de la vérité). Il faut
convaincre par la persuasion et non au bout du canon. La communauté
politique est en réalité une communauté d’égaux. Et une telle communauté
« doit assurer l’alternance des fonctions de commandement et de
subordination. Tous les citoyens doivent nécessairement avoir pareillement
accès à tour de rôle aux fonctions de gouvernants et à celles de
gouvernés »[28].
On peut se référer ici au fameux voile
d’ignorance de John Rawls. La démocratie part du principe de l’isonomie. Et
c’est sûrement sur base de ce principe athénien de la démocratie que la justice
peut devenir la vertu matricielle de la communauté politique – d’autant plus
qu’elle concerne au premier plan nos rapports avec autrui. Et toute la lutte
africaine, et congolaise, des années 90 pour la démocratie, visait l’isonomie
et la justice (surtout distributive) pour un bien vivre ensemble avec et pour
autrui.
La communauté politique, la polis,
devrait être le lieu où les hommes réalisent leurs virtualités le plus hautes,
par la parole et l’action pour devenir immortels comme le pensaient les grecs ;
ce serait le lieu de la liberté, comme le pense Arendt. Malheureusement, nous
sommes tombés dans la logique des penseurs modernes qui voient dans la Cité le souci de la survie, de la
sécurité et de la conservation de soi. En ce moment là beaucoup s’attachent au Léviathan, à celui qui a l’exercice du
pouvoir pour la survie et la conservation de soi. La conséquence logique c’est
qu’on ne va pas à l’encontre de la main qui vous nourrit. Le Léviathan devient alors le penseur. Les autres citoyens ne sont
que des simples exécutants de sa pensée. Nous savons que Hobbes concevait l’état civil (status civilis) comme le dessaisissement de ce que l’homme était
capable de faire dans l’état de nature (status naturalis) qui est un état de guerre (status belli), une situation invivable. Pour ce faire, le Léviathan
ne pouvait requérir de ses sujets qu’une obéissance en contrepartie d’une
garantie de survie et de protection pour leur vie. Serait-il alors faux
d’affirmer que nos politiciens cherchent à tout prix à conserver leur existence
biologique brute au mépris de leur intelligence et de leur dignité d’hommes et
d’universitaires (pour la plupart !). Leur conatus est un conatus d’auto-conservation qui équivaut à « ne
pas mourir », à « défendre le ventre » au mépris du cerveau.
Sinon, comment comprendre la situation de crise politique que nous
vivons partout en Afrique alors que les opposants aux régimes du hier sont aux
commandes. Les reproches formulés aux anciens gouvernants valent aujourd’hui
pour eux : les libertés sont étouffées, la situation sociale de la majorité
se dégrade de plus en plus pendant que les dirigeants se la coulent douce, les
infrastructures vont de mal en pis. Mais chaque jour, on entend des discours qui
viennent d’une autre planète. On dirait que la population vit dans un autre
monde que celui des gouvernants. En RD Congo, par exemple, les agents de la
MOPAP (Mobilisation et propagande populaire – du temps de la dictature
mobutienne) ont trouvé leur équivalent dans les Communicateurs de la Majorité.
Comme les agents de la MOPAP, les communicateurs aussi ne font que leur devoir – parfois sans conviction. Ne faire que son
devoir, dans ce contexte, devient une incapacité de penser. Peut-on alors
donner raison à Arendt lorsqu’elle nous dit que savoir vivre avec soi-même est
une considération qu’ignore la politique – sauf dans les
situations-frontières ?[29]
Même si la faculté de juger est
différente de la faculté de penser, les deux facultés sont intimement liées. La
première se réfère aux cas particuliers, pour pouvoir dire « c’est
beau », « c’est mal », tandis que la seconde s’occupe de
représentations d’objets absents. Le jugement réalise la pensée. C’est grâce
à la pensée que le jugement devient apte à pouvoir distinguer le bien du
mal. Cette aptitude est la potion magique qui peut détourner l’homme des
catastrophes.
Conclusion
Nous
pouvons certes considérer la crise comme étant déstabilisatrice, mais la
potentialité qu’elle devienne libératrice et créatrice est réelle là où les
hommes et les femmes d’une communauté échangeant des actes publics sont capables de penser. Le problème
principal du `manque de pensée serait « qu’il nous prive des moyens de
prendre de la distance à l`égard de la réalité et donc d’interroger nos
comportements »[30].
Nous devons nous éloigner de la distinction du Moyen-Age entre la vie de
l’homme dans le monde et l’homme solitaire (l’homme face à lui-même),
c’est-à-dire entre la vita activa et la vita contemplativa. Dans la vie de
chaque jour, l’homme combine ces deux aspects de son être-homme. L’homme
capable de se retirer, de temps en temps, dans la région invisible de l’esprit
doit être à mesure d’apporter dans son être-dans-le monde
les « fruits » de sa retraite.
A
tous ces fonctionnaires qui commettent des crimes au nom du devoir, nous
donnons ce conseil de Socrate : « mieux vaut être traité injustement
que de commettre un tort ». Pour vivre avec une conscience digne, chacun devrait avoir ce rapport silencieux
permettant de soumettre à l’examen critique ce que l’on dit et ce que l’on
fait. C’est ce dialogue qui nous permettra de ne pas nous contredire. Sans le
dialogue du moi avec moi-même, on n’aura jamais des regrets des actes posés.
Je
voudrais terminer mon propos avec ces idées d’Arendt : « Quand tout
le monde se laisse emporter, sans réfléchir, par ce que font et croient les
autres, ceux qui pensent sont obligés de sortir de leur trou, car le refus
d’entrer dans la danse est flagrant et se transforme en une espèce d’action.
Dans les situations d’urgence de ce type, il se révèle que l’élément de
purgation contenu dans la pensée (…) est implicitement politique »[31].
Professeur.
Dr. Okey Willy
Professeur des Universités
Bibliographie
ARENDT, Hannah, Condition de l’homme moderne. Traduit de
l’anglais par Georges FRADIER,
Préface de Paul RICŒUR, Paris,
Calman-Lévy, 2000 (c.1961). Coll. « Agora Pocket ».
-
La crise de la
culture. Huit exercices de la pensée politique. Traduit de l’anglais sous la
direction de Patrick LEVY, Paris, Gallimard, 1972. (Coll. « Folio
Essais », 1985).
-
Eichmann à
Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal. Traduction de l’anglais par
Anne GUERIN, Révision par Martine LEIBOVICI, Présentation par Michèle-Irène
BRUDNY de LAUNAY, Paris, Gallimard, 2002 (c.1991). Coll. « Folio
Histoire ».
-
Considérations
morales, Précédé d’un essai de Mary McCARTHY. Traduit de l’anglais par Marc
DUCASSOU, Paris, Payot et Rivages, 1996.
-
La vie de l’esprit. Traduit de
l’américain par Lucienne LOTRINGER, Paris, Quadrige/PUF, 2005.
-
Juger. Sur la
philosophie politique de Kant. Traduction française de M. REVAULT d’Allones. Suivi
de deux essais interprétatifs par Ronald BEINER et M. REVAULT d’Allones.
EHRWEIN Nihan, C., Hannah Arendt : Une pensée de la crise.
La politique aux prises avec la
morale et la
religion, Genève, Labor et Fides, 2011.
OKEY Mukolmen, Willy, Agir
politique et banalité du mal. Repenser la politique avec Hannah
Arendt. Préface de Nestor
MBOLOKALA Imbuli, Morolo, IF Press, 2008.
REVAULT D’ALLONES, Myriam, Ce que l’homme fait à l’homme. Essai sur le
mal politique, Paris,
Flammarion, 2000.
TOCQUEVILLE, Albert, De la démocratie en Amérique II, Paris,
Robert Laffont, 1986.
Mots clés : Banalité du
mal, incapacité de penser, oubli, pensée et jugement
Key words : Banality of
evil, inability to think, oversight, thinking and judgment
[1] H. ARENDT, La vie de l’esprit. Traduit de l’américain par Lucienne LOTRINGER,
Paris, Quadrige/PUF, 2005, p.238.
[2] Cf. W. OKEY Mukolmen, Agir politique et banalité du mal. Repenser
la politique avec Hannah Arendt. Préface de Nestor MBOLOKALA Imbuli,
Morolo, IF Press, 2008.
[3] H. ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit,
p.23.
[4] J.M. FERRY, Préface in C. EHRWEIN
Nihan, Hannah Arendt : Une pensée de
la crise. La politique aux prises avec la morale et la religion, Genève,
Labor et Fides, 2011, p.14.
[5]
H. ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit., p.21. Ce qui frappait Arendt chez Eichmann, « c’était
un manque de profondeur évident, et tel qu’on ne pouvait faire remonter le mal
incontestable qui organisait ses actes jusqu’au niveau plus profond des racines
ou des motifs. Les actes monstrueux, mais le responsable – tout au moins le
responsable hautement efficace qu’on jugeait alors – était tout à fait
ordinaire, comme tout le monde, ni démoniaque ni monstrueux. Il n’y avait en
lui trace ni de convictions idéologiques solides, ni de motivations spécifiquement
malignes, et la seule caractéristique notable qu’on décelait dans sa conduite,
passée ou bien manifeste au cours du procès et au long des interrogatoires qui
l’avaient précédé, était de nature entièrement négative : ce n’était pas
de la stupidité, mais un manque de
pensée » (La vie de l’esprit,
p. 21).
[6] Cf. H. ARENDT, Considérations morales. Précédé d’un essai de Mary McCARTHY.
Traduit de l’anglais par Marc DUCASSOU, Paris, Payot et Rivages, 1996, p.25-26.
[7] H. ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit., p.32.
[8] J.M. FERRY, Op.Cit., p.14.
[9] H. ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit., p.22.
[10] H. ARENDT, Considérations morales, op.cit., 1996, p. 27.
[12]
Arendt le dit en ces
termes : « L’incapacité de penser n’est pas le défaut des légions de
gens qui manquent d’intelligence, mais une possibilité qui, sans arrêt, guette
tout un chacun – y compris les hommes de laboratoire, les érudits et autres
spécialistes de l’équipe mentale. Tout le monde peut être amené à fuir ce
rapport à soi-même dont Socrate a, le premier, découvert qu.il était réalisable
et important » (H. ARENDT, La vie de
l’esprit, op.cit., p. 249).
[13] H.
ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit.,
p. 217.
[14] Cf. ibid., p. 249 – 250.
[15] M. REVAULT D’ALLONES, Ce que l’homme fait à l’homme. Essai sur le
mal politique, Paris, Flammarion, 2000, p.12.
[19] M. REVAULT D’ALLONES, Ce que l’homme fait à l’homme, op.cit.,
p.28.
[21] H. ARENDT, La crise de la culture : tradition et l’âge moderne, p.38.
[22] M. REVAULT D’ALLONES, Ce que l’homme fait à l’homme, op.cit., p.11.
[24] Cf. A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique II, Paris,
Robert Laffont, 1986, p. 657.
[25] M. REVAULTD’ALLONES, Ce que l’homme fait à l’homme, op.cit., p.12.
[28] M. REVAULT D’ALLONES, Ce que l’homme fait à l’homme, op.cit.,
p.98.
[29] Cf. H. ARENDT, La vie de l’esprit, op. cit., p. 250.
[30] J.M. FERRY, Op. Cit., p. 14.
[31] H. ARENDT, La vie de l’esprit, op.cit., p.251.