mercredi 15 mai 2019

Mondialisation et luttes pour la reconnaissance[1]


            Dans deux articles précédents[2], j'avais déjà abordé le thème de la mondialisation. Dans l'un, j'avais avancé certaines normes éthiques qui doivent caractériser la mondialisation, notamment le respect, la responsabilité et la solidarité; dans l'autre, je récusais toute forme de pensée unique. Je voudrais, à présent, penser la mondialisation sous forme de confrontation avec la Théorie critique de l'Ecole de Francfort telle que reformulée par son directeur actuelle, Axel Honneth. En d'autres termes, je voudrais relire le thème de la mondialisation à partir de la théorie pour la reconnaissance qu'Honneth développe en partant des analyses hégéliennes. De Hegel et Mead, Honneth tire les fondements d'une théorie sociale à teneur normative. Il nous faudrait une vision de la vie éthique envisagée du point de vue d'une théorie de la reconnaissance, une théorie qui peut être comprise comme une réflexion sur la condition nécessaire de toute socialisation humaine. Avec la mondialisation, il y a danger d'une perte d'orientations morales - tant les intérêts et les capitaux rendent aveugles. On peut se rendre compte que le noyau type d'organisation économique mène à une forme de rapports humains qui, au lieu de reposer sur des liens personnels, dépendent de calculs rationnels par rapport à une fin. Les interventions dans les différents conflits qui pullulent le monde aujourd'hui ne vont pas nous contredire. La mondialisation signifie, en réalité l'avènement d'un espace mondial de compétition où la terre entière est vue comme un espace de déploiement des entreprises; d'où la délocalisation en permanence des entreprises et des multinationales vers des pays à plus bas coût de production. Là où les intérêts économiques sont en danger, l'intervention de la « communauté internationale » est rapide pour « défendre les droits de l'homme bafoués par les régimes en place » mais là où il n'y a pas d'intérêts, on appelle les belligérants au dialogue.

            Les tendances actuelles de réification des peuples entiers, les différents modes de résistance des peuples paupérisés, m'amènent à repenser à nouveaux frais le thème de la mondialisation. Comment être sûr que la mondialisation signifiera inclusion plutôt qu' exclusion? On pourrait se demander aujourd'hui si les Africains, dans cette globalisation ou mondialisation[3], ne constituent pas ce que Hegel appelait la classe des hommes non libres; c'est-à-dire une catégorie de citoyens voués à la production et à l'échange des marchandises.  Nous voulons connaître les « conditions de possibilités d'une mondialisation civile qui favoriserait non seulement le respect des identités culturelles mais encore le développement et la rencontre de ces identités et cultures »[4] car il est évident que la mondialisation a un caractère idéologique et instrumental. Puisqu'il faut rétrécir mon champ d'investigation, je voudrais me demander si la mondialisation telle qu'elle envahit notre monde aujourd'hui permet la mise en place des conditions d'une réalisation de soi autonome de l'Africain ou contredit de telles conditions. Notre hypothèse est la seconde. La mondialisation telle qu'elle évolue de nos jours, est une pathologie à laquelle il faut trouver des remèdes, car un simple diagnostic ne suffit pas, il faut une thérapie; car les pathologies sociales sont en dernière analyse le produit d'une rationalité déficiente. « La rationalité institutionnelle du capitalisme moderne laisse entrevoir une forme d'organisation de la société structurellement liée à un type donné et restreint de rationalité »[5], une pensée unique (pour parler Edgard Morin). C'est chez Axel Honneth, avec sa théorie pour la reconnaissance, que nous tenterons de trouver une certaine thérapie.
           Nous aborderons notre thème en la subdivisant en trois sous points :
1. Mondialisation : uniformisation ou communion ?
2. Les luttes pour la reconnaissance
3. Mondialisation et Résistance ou le droit d'être reconnu

1.     Mondialisation : uniformisation ou communion ?


          La mondialisation est aujourd'hui un fait indéniable. « La mondialisation, multiplication des flux de toutes sortes, s'épanouit. Les valeurs qu'elle diffuse sur toute la planète sont occidentales: liberté et droit au bonheur de l'individu, loi du marché, démocratie... Mais ces références n'appartiennent plus à l'Occident. L'Orient, c'est-à-dire ce qui n'est pas l'Occident, à la fois rejette et apprécie ces éléments. Le déferlement de la modernité occidentale terrible acide dissolvant les traditions, les mythes, les identités, les amène à se réinventer, à se métamorphoser. C'est l'ère des métissages : races mais aussi cuisines, mœurs, religions, idées -, tout se mélange pour produire des synthèses bizarres et instables ».[6] Bref, avec la mondialisation, il y a une déstabilisation de toutes les structures existantes et une relativisation de toutes les normes et de tous les interdits.

            La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau; il a simplement pris de l'ampleur avec le développement des nouvelles techniques de l'information et de la communication (NTIC). Les grecs sont allés en Égypte et vice versa, les migrations se sont faites dans toutes les parties du monde, les échanges commerciaux se sont développés au cours des siècles mais ont atteint un niveau extraordinaire (les transferts des fonds se font d'un bout du monde à l'autre sans que personne n'ait à se déplacer), les enseignements peuvent se donner à distance, etc. Pour la première fois le monde peut être appréhendé dans sa totalité. La mondialisation apporte avec elle des grands bouleversements. Tant de questions peuvent être posées dont notamment celle des identités. Autrement dit, « cette mondialisation peut-elle mettre en péril les identités par essence plurielles? Si la mondialisation est au départ un processus économique et financier, scientifique et technologique, elle implique aussi de nouvelles formes d'organisation sociale, de nouvelles valeurs fondatrices, de nouvelles identités. Que va-t-il advenir des identités originelles? Et du principe de pluralisme face au risque d'uniformisation, de standardisation? Ces questions alimentent les réflexions à l'échelle internationale ».[7] La mondialisation est-elle bénéfique aux différents peuples ou sert-elle la cause d'une infime minorité de la planète bleue. Face aux bouleversements actuels dus à la mondialisation, le directeur général de l'UNESCO assigne deux impératifs à son organisation : un impératif politique et un impératif éthique. Pour lui, l'UNESCO plaide pour une régulation socialement plus juste et politiquement plus démocratique de la mondialisation et de ses incidences sur la grande majorité de la population.

            Si l'on peut remonter à l'origine de l'humanité pour parler de mondialisation (une mondialisation liée, en ce temps là, aux connaissances géographiques de l'homme), il est plus juste de dire que la mondialisation commence avec les grandes découvertes du 15e siècle qui permettent l'extension des liens à toute la terre. Les échanges commerciaux sont aussi une occasion pour les hommes de confronter leurs visions du monde et leurs interrogations sur le cosmos. Le phénomène prend de l'ampleur après la seconde guerre mondiale et encore plus avec la chute du mur de Berlin qui voit la fin des deux blocs (Est - Ouest), il y a une tendance à promouvoir un espace mondial unique. Cet espace est surtout un espace économique qui affecte, de facto, les autres domaines de la vie. On peut alors dire sans crainte que la mondialisation ou la globalisation est un corollaire de l'européanisation du monde. Et par européanisation, il faut entendre occidentalisation - pour ainsi inclure l'Europe et l'Amérique du Nord, surtout les Etats-Unis. Defarges n'a pas tort de dire que « la mondialisation, c'est-à-dire le quadrillage de la terre par des liens de toutes sortes, ne se sépare pas de la diffusion planétaire des références européennes ».[8] Comme le dit si bien Defarges, la mondialisation est une explosion des flux (les hommes, les biens et services, l'argent et enfin les informations, les idées, les représentations mentales favorisées par les nouvelles techniques de l'information et de la communication) dont les auteurs se retrouvent souvent dans des conflits de plusieurs types. La mondialisation est indissociable d'une multiplication des liens d'information et de communication; elle contracte l'espace et le temps. Les critiques de la mondialisation « mettent en avant l'argument selon lequel la mondialisation  altère nos identités locales : elle casse la diversité du monde pour l'homogénéiser et en faire un monde 'Mac Do' »[9], c'est-à-dire pour l'américaniser.

            La promotion d'un espace mondial unique est, au fait, un espace unique de libre échange. L'économie domine le monde, paupérise des millions d'habitants de la terre et tend à réduire l'espace mondial à une pensée unique : l'anglais comme langue, le dollar comme monnaie et la weltanschauung occidentale comme seule vision de référence. On peut dire à juste titre que la mondialisation est une pièce de monnaie avec ces deux faces : l'économie et l'information. La globalisation se réduit donc à l'économie qui utilise les nouvelles techniques de l'information et de la communication pour envahir toutes les régions du monde. L'information est donc une information de vente, une information du marché. Parler de l'économie, c'est aussi parler des armes dont l'industrie est la plus puissante des industries du monde des affaires. Ainsi, la guerre est devenue le vrai débouché de l'économie mondiale. Un exemple concret du rôle important de l'armement nous a été donné lors de la visite du président des États Unis en Italie à la fin du mois de Mars 2014. Alors que le premier ministre italien, Matteo Renzi, annonçait avec pompe à son investiture, la réduction des dépenses militaires, notamment par un achat réduit des avions de chasse F 35 (90 appareils devraient être achetés selon les anciennes prévisions), Obama est venu le rappeler à l'ordre : « touche pas aux dépenses militaires ». Le discours de Renzi a été revu au grand dam des italiens soucieux de se refaire une santé économique en ce temps de crise. Ce sont les intérêts économiques qui étaient en jeu; c'était un marché de moins pour l'industrie américaine. La globalisation, aujourd'hui, apparaît être un « capitalisme désorganisé » caractérisé par un pouvoir croissant des entreprises transnationales et l'internationalisation des flux financiers avec comme conséquence l'affaiblissement des liens culturels entre les classes[10]Selon Honneth, le système économique capitaliste a institutionnalisé : l'individualisme comme représentation de soi dominante, l'idée d'égalité universelle comme forme de régulation juridique, l'idée de performance (Leistung) comme principe d'attribution statutaire et l'apparition d'un lieu d'évasion utopique préservant la vision d'un dépassement émotionnel des instrumentalités de la vie quotidienne.[11]
            Personne de raisonnable et de rationnel ne veut être déshumanisée ou réifiée. La mondialisation, par sa réduction de points de vue en un monde d'échange économique, amène naturellement des frustrations et crée des conflits (sociaux). Les oubliés du processus veulent être reconnus. Honneth distingue trois types de reconnaissance (amour, droit, estime de soi) qui constituent chacune une source potentielle de conflits. Pour lui, aux trois types de reconnaissance correspondent trois types de mépris qui peuvent jouer un rôle dans la naissance des conflits sociaux suite aux réactions que ces mépris suscitent chez l'individu méconnu.[12] Ici les conflits n'ont pas pour motif la conservation individuelle (Machiavel, Hobbes), le modèle de la « lutte sociale » mais plutôt des modèles moraux. Honneth nous fait passer ainsi de la lutte pour l'existence des contractualistes à la lutte pour la reconnaissance à partir d'une analyse des écrits du jeune Hegel. La psychologie sociale de Mead permet à Honneth de donner à la théorie hégélienne de la lutte pour la reconnaissance une tournure matérialiste. En d'autres termes, cette psychologie sociale permet de reprendre l'intuition esquissée à gros traits par le jeune Hegel pour en faire le fil directeur d'une théorie sociale à teneur normative. Honneth veut expliquer les processus de transformation sociale partant d'exigences normatives qu'il considère structurellement inscrites dans la relation de reconnaissance mutuelle.

            La prémisse chez Mead, comme chez Hegel, est que « la reproduction de la vie sociale s'accomplit sous l'impératif d'une reconnaissance réciproque, parce que les sujets ne peuvent parvenir à une relation pratique avec eux-mêmes que s'ils apprennent à se comprendre à partir de la perspective normative de leurs partenaires d'interaction, qui leur adressent un certain nombre d'exigences sociales ».[13] Les trois formes d'interaction reposent sur des liens affectifs (amour), sur la reconnaissance des droits (droit) et sur l'adhésion à des valeurs communes (solidarité). Ce sont des expériences de mépris qui deviennent généralement des motifs de luttes visant à retrouver des relations de reconnaissance sous une forme pleine et entière. Contrairement à la tradition utilitariste de la lutte pour l'existence, le conflit ne constitue pas une menace pour l'ordre social, il est au contraire le médium même de l'intégration sociale. Par les multiples luttes pour la reconnaissance, la collectivité accroît les chances de réunir les conditions nécessaires à l'autoréalisation de ses membres. Et, « l'auto réalisation du sujet réussit uniquement lorsqu'elle se combine avec l'autoréalisation de tous les autres membres de la société, au moyen des principes ou des finalités acceptés universellement ».[14]  Il est clair donc que la mondialisation ne peut réussir que dans les conditions d'une liberté coopérative pour tous les peuples. Nous sommes dans la même barque; ou nous coulerons ensemble ou nous arrivons à bon port ensemble.

            Au lieu d'uniformisation, la mondialisation devrait chercher à renforcer la communion des peuples et cultures; mais fort est de constater des situations de non réalisation de soi de certains peuples - des pays du Tiers-monde dont l'Afrique fait partie; ce sont des « situations d'anomie sociale », pour utiliser le langage d'Axel Honneth. Comme dit plus haut, La mondialisation ou globalisation prend dans le contexte actuel la forme d'un capitalisme désorganisé où les entreprises transnationales et multinationales font croître leur pouvoir, les flux financiers s'internationalisent et les liens culturels s'affaiblissent.

            Pour que la mondialisation ne devienne pas une culture de fusion mais plutôt l'amoncellement de plusieurs cultures (Hisanori ISOMURA), elle doit être accompagnée afin qu'elle soit profitable à toute l'humanité et non seulement à une minorité; il faut humaniser la mondialisation. Aujourd’hui, « pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s’enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence »[15]

2. Les luttes pour la reconnaissance


            Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, trois bouleversements contribuent à l'établissement d'un espace mondial unique: la décolonisation, un système mondial d'échanges et l'écroulement des modèles d'autosuffisance. Mais le constat est que cette unification produit fragmentations, rivalités et conflits.[16] Avec l'accent mis sur les échanges commerciaux et le besoin grandissant des pays occidentaux pour les matières premières de leurs industries, on n'est pas loin de retomber dans la « réification » telle que décriée par la critique de la société occidentale des années 1920 et 1930. Comme en ce temps, les rapports sociaux entre les Occidentaux et les Africains sont soumis à la recherche des finalités de type calculateur, l'attachement à l'Afrique et à ses matières premières est lié à une conduite purement instrumentale. Nous sommes donc en face, malgré la décolonisation et les indépendances, à des formes de vie dominantes, à des formes de réification. Le pape François, dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, écrit : « Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible … On considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter… Avec l’exclusion reste touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit, du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la périphérie, ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des ‘exploités, mais des déchets, ‘des restes’ ».[17]

            Par réification, Honneth entend les formes extrêmes du traitement instrumental des autres personnes; il s'agit d' « un comportement humain qui viole des principes moraux ou éthiques, dans la mesure où il traite les autres sujets non pas conformément à leurs qualités d'êtres humains, mais comme des objets dépourvus de sensibilité, des objets morts, voire des 'choses' ou des 'marchandises' ».[18] La réification est une transgression des principes moraux, c'est le manque d'une attitude juste à l'égard du monde. La réification, pour parler le langage de Lukàcs son fondateur, ne signifie rien d'autre que le fait qu' « une relation entre personnes prend le caractère d'une chose ».[19]

            Lukàcs avait bien perçu que « la cause sociale qui érige à la fois la généralité et l'élargissement de la réification est l'extension de l'échange marchand qui, avec l'établissement des sociétés capitalistes, est devenu le mode dominant de l'activité intersubjective. Dès que les sujets commencent à régler les relations qu'ils entretiennent avec leurs congénères sur le mode de l'échange de marchandises équivalentes, ils sont contraints d'inscrire leur rapport à l'environnement dans une relation réifiée, ils ne peuvent plus percevoir les éléments d'une situation donnée qu'en évaluant l'importance de ces éléments à l'aune de leurs intérêts égoïstes ».[20]La réification est une « seconde nature », une « posture », un mode de conduite des sociétés capitalistes - je dirai  de la globalisation. Une telle attitude ne peut être considérée seulement comme un fait social comme le pense Lukàcs, il est aussi une faute morale, comme le considère Honneth. C'est pourquoi ce dernier comprend la réification « comme le signe de l'atrophie et de la distorsion d'une pratique originaire dans laquelle l'homme entretient une relation engagée (…) par rapport à soi et par rapport au monde ».[21] Le lien rationnel propre à l'interaction humaine voudrait qu'un sujet adopte la prospective d'autrui, apprenne à comprendre ses désirs, ses attitudes et ses pensées comme des motifs d'action.

            La réification prend place quand on abandonne la posture affirmative originairement donnée et on adopte envers le monde, et sans doute envers autrui, une attitude réduisant les éléments constitutifs du monde à des entités chosales, à des simples « présents – subsistants ». En ce moment, le sujet perd l'aptitude à participer de façon intéressée au monde dans lequel il intervient et est, en même temps, privé de l'ouverture qualitative à ce monde; il n'est pas reconnu. On peut donc dire que la réification est un oubli de reconnaissance, elle détruit les chances d'épanouissement d'une pratique participante, engagée.

            « Pour Cawel, 'reconnaître', 'to acknowledge', signifie adopter une posture dans laquelle les expressions comportementales d'une seconde personne peuvent être comprises comme des exigences visant une certaine réaction spécifique. Si autrui ne réagit pas, même de manière négative, cela manifeste seulement le fait que l'expression de ses états internes n'a pas été comprise de façon appropriée ».[22]La réification est un manque d'attention vis-à-vis de l'autre, une restriction d'attention. Dans la mondialisation, par exemple, les Occidentaux (et aujourd’hui, les chinois aussi) sont tellement obnubilés par la vente des produits finis et l'achat des matières premières, qu'ils oublient que ceux qui sont en face d'eux sont d'abord des êtres humains comme eux. Les intérêts économiques aveuglent et rétrécissent le champ de reconnaissance de l'autre pour ne se limiter qu'à en avoir une approche cognitive, une connaissance.

            Je suis convaincu avec Honneth que la perception réifiante concerne à la fois le monde social et le monde physique environnant. Les rapports dans le monde globalisé sont des rapports d'intérêts, de chosification. Pour le monde environnant, la réification signifie que « nous n'observons les animaux, les plantes ou encore les choses qu'en les identifiant de façon objective, sans nous rendre compte qu'ils possèdent une multiplicité de significations existentielles pour les personnes qui nous entourent et pour nous-mêmes ».[23]

            Dans la perspective de Lukàcs, « la généralisation à l'ère capitaliste de l'échange marchand constitue la cause unique de ces phénomènes de réification. Sitôt que les sujets se voient   contraints d'accomplir leurs interactions sociales sous la forme prédominante de l'échange économique de marchandises, ils seraient  conduits à se percevoir ainsi qu'à percevoir les partenaires de leurs interactions et les biens de l'échange sur le modèle d'objets, et donc à se rapporter à leur monde environnant d'une façon qui, là encore, est uniquement celle de l'observation ».[24] Honneth n'est pas d'accord avec Lukàcs qui fait équivaloir dépersonnalisation  et réification. Dans le cas de la dépersonnalisation autrui reste présent en tant que porteur des propriétés tandis que la réification d'une autre personne signifie un déni de sa qualité d'être humain. Dans la dépersonnalisation, l'autre est anonyme; dans la réification, il est oublié.[25] Honneth ne réduit pas les phénomènes de réification au seul processus d'échange, il considère aussi les formes de déshumanisation bestiales propres au racisme ou au trafic des êtres humains.  Les situations de déni de reconnaissance sont multiformes : atteinte à l'intégrité physique des personnes, exclusion des droits ou négation de la valeur sociale.

            Dans ce village planétaire, l'Africain veut contribuer au bien-être commun de l'humanité. Mais a-t-il confiance en lui-même? C'est ici qu'intervient la première lutte pour la reconnaissance d'Honneth. « L'expérience d'être aimé est pour chaque sujet la condition de sa participation à la vie publique d'une collectivité (...). Seul le sentiment d'être reconnu et approuvé dans sa nature instinctuelle particulière confère au sujet la confiance en lui-même dont il a besoin pour contribuer, au même titre que les autres membres de la communauté, à la formation de la volonté
Politique ».[26] Il s'agit ici de la relation de reconnaissance de l'amour où le sujet se voit comme une subjectivité vivante. Pour utiliser le langage des existentialistes, le sujet aimé est un je et non un cela, un lui. C'est sur cette base que l'on peut parler de l'intersubjectivité. Dans une telle reconnaissance, l'Africain n'est pas vu comme un producteur des matières premières, n'est pas réifié pour le seul souci de l'échange, mais est considéré dans son individualité propre comme un sujet contribuant au mieux vivre de l'humanité. Cette attitude de reconnaissance de la part de ses interlocuteurs ou, mieux, de ses partenaires occidentaux confèrera à l'Africain une vraie confiance en lui-même dans ce village planétaire.


            Avec la mondialisation, les formes des luttes ont pris des allures inquiétantes, dont le terrorisme est la forme la plus expressive et la plus dangereuse. Le cas des actes de violence au Nigeria dans le carré pétrolier ou au nord du pays (Boko Haram) nous en dit quelque chose. Ces gens n'ont-ils pas le sentiment d'être ignorées par leurs vis-à-vis? Ne veulent-ils pas qu'on les prenne en compte de manière positive dans les projets d' « autrui occidental »?  Déjà chez Hegel, « si l'individu socialement ignoré cherche à porter atteinte au bien d'autrui, ce n'est pas pour satisfaire des besoins physiques, mais pour exister à nouveau aux yeux de l'autre. Hegel interprète la réaction destructrice de la partie exclue comme un acte dont le véritable but est d'attirer à nouveau l'attention de l'autre : ' l'exclu lèse la possession de l'autre; il pose son être pour soi exclu  son mien. Il corrompt quelque chose, - (un) acte d'anéantir comme du désir pour se donner son sentiment de soi, toutefois non pas son vide sentiment de soi, mais en posant son soi dans un autre soi, dans le savoir d'un autre soi. ' Plus vigoureusement encore, Hegel dit dans la phrase suivante que la défense pratique du sujet exclu ne vise pas le négatif, la chose, mais le savoir de soi de l'autre' ».[27]

            La relation de reconnaissance signifie en même temps une contrainte de réciprocité. Ne pas reconnaître le partenaire d'interaction comme une personne d'un certain genre, c'est en même temps refuser de se voir reconnu dans ses réactions comme une personne du même genre; je ne peux vouloir me sentir confirmé par mon partenaire les qualités et les capacités que je lui dénie. La relation de reconnaissance soumet donc les partenaires à des exigences réciproques. Le terme reconnaissance désigne le double processus par lequel on affranchit et, simultanément, on lie émotionnellement l'autre personne.

            Au premier niveau de la reconnaissance, il y a l'amour. Il s'agit ici des relations primaires. Dans l'amour, les sujets se confirment mutuellement dans leurs besoins concrets comme des êtres nécessiteux; les sujets se savent unis parce qu'ils se sentent chacun dépendant de l'autre. Dans le cas précis de la mondialisation, ceci signifierait qu'il n'y aurait aucune nation, aucun peuple, aucun continent qui prendrait l'ascendant sur d'autres nations, peuples ou continents. Tous auraient un sentiment d'interdépendance; car, finalement, aucune nation, aucun peuple, aucun continent ne saurait se suffire à lui-même. « La réciprocité dans l'arc de tension intersubjectif se trouve perturbée, dans les cas pathologiques, par le fait que l'un des sujets concernés reste enfermé soit dans l'état d'autonomie centré sur le je, soit dans la dépendance symbiotique relativement à son partenaire ».[28] Dans le cas de ce qui nous préoccupe ici, la pathologie c'est l'égocentrisme des Occidentaux et la dépendance à outrance des africains. Comme dans tout amour, l'Occident et l'Afrique devraient développer un sentiment de sympathie et d'attraction.

            La reconnaissance juridique vient ajouter un plus à la première reconnaissance qui concerne les relations primaires. Pour Honneth, cette reconnaissance est un produit de l'histoire; elle a connu des évolutions historiques (lutte contre l'esclavage, le droit de vote pour les femmes, la lutte pour les indépendances...). Nous devons dire qu'aujourd'hui cette reconnaissance prend la forme d'une lutte contre le néocolonialisme, contre l'impérialisme de certaines puissances occidentales; c'est-à-dire, en dernières analyses, une lutte pour une place dans le concert des nations. La reconnaissance juridique désigne d'abord la relation dans laquelle l'alter et l'ego se respectent réciproquement comme des sujets de droit, parce qu'ils ont l'un comme l'autre connaissance des normes sociales qui président, à la répartition légitime des droits et des devoirs.[29] La reconnaissance juridique n'est pas une disposition émotionnelle; elle est affranchie de tout sentiment de sympathie et d'inclination. « Le système juridique doit désormais pouvoir être compris comme l'expression des intérêts universalisables de tous les membres de la société, de sorte qu'il exige lui-même de n'admettre ni exception ni privilège. On ne peut s'attendre à ce que les partenaires d'interaction acceptent de suivre des normes juridiques que s'ils ont d'abord pu y souscrire en tant qu'êtres libres et égaux : une nouvelle forme de réciprocité, extrêmement exigeante, s'introduit ainsi dans la relation de reconnaissance du droit ».[30] Reconnaître chaque individu en tant que personne signifie, pour parler Kant, agir à l'égard de tous selon ce à quoi nous sommes moralement tenus par les qualités inhérentes à la personne humaine. Y a-t-il une souscription réellement libre des pays africains dans les règles du monde globalisé ou subissent-ils les règles du jeu malgré eux? A voir de près, la deuxième hypothèse semble vraisemblable. L'africain devrait participer au processus de la volonté publique. Mais comment l'africain va-t-il participer s'il lui manque l'autonomie; il se retrouve coincé parce qu'il lui manque une vraie sécurité économique. Il n'a pas de poids économiquement parlant; or, dans ce monde globalisé, c'est l'économie qui dirige le monde et « accorde le droit de parole » dans le concert des nations.

            La reconnaissance sociale de droits légaux trouve son corolaire psychique, selon Honneth, dans le développement de la capacité de se rapporter à soi-même comme à une personne moralement responsable. Dans l'amour (premier niveau de reconnaissance), l'enfant acquiert, grâce à l'expérience permanente de la sollicitude maternelle, la confiance qui lui permet de manifester librement ses besoins. L'adulte acquiert, dans l'expérience juridique, la possibilité de comprendre ses actes comme une manifestation, respectée par tous, de sa propre autonomie. Le respect de soi est à la relation juridique ce que la confiance en soi est à l'amour. L'homme peut se respecter lui-même parce qu'il mérite le respect de tous les autres sujets.[31]  Pour se sentir membre à part entière de la communauté mondialisée, l'Africain doit donc ressentir les deux premiers sentiments liés à la reconnaissance : la confiance en soi et le respect de soi.

            « Pour parvenir à établir une relation ininterrompue avec eux-mêmes, les sujets humains n'ont pas seulement besoin de faire l'expérience d'un attachement d'ordre affectif et d'une reconnaissance juridique, ils doivent aussi jouir d'une estime sociale qui leur permet de se rapporter positivement à leurs qualités et à leurs capacités concrètes »[32]; c'est ce que Hegel appelait éthicité ou vie éthique. Ceci présuppose l'existence d'un horizon de valeurs communes aux sujets concernés. La référence aux mêmes valeurs et aux mêmes fins permet à l'alter et l'ego de s'estimer réciproquement en tant que personnes individualisées et grâce à elles chacun mesure l'importance de ses qualités personnelles pour la vie de l'autre ou, mieux, ce que ses qualités apportent à l'autre. Les qualités particulières caractérisant les hommes dans leurs spécificités personnelles est l'objet de l'estime sociale. Ici, le médium social permet d'exprimer les caractères distinctifs des sujets humains d'une manière universelle, c'est-à-dire intersubjectivement contraignante. Ceci nécessite la mise en place d'une organisation sociale dont les fins communes réunissent les individus dans une communauté des valeurs. On peut se demander si notre société globalisée est une communauté des valeurs. Peut-on parler de vie éthique dans un monde commerçant où les intérêts économiques prennent le dessus sur toute valeur éthique?

            « Chez Hegel comme chez Mead, l'idée d'une 'lutte pour la reconnaissance' à l'œuvre dans la société tend vers un niveau supérieur, sur lequel les sujets doivent se voir confirmés intersubjectivement comme des personnes porteuses d'une histoire individuelle ».[33] Pour figurer cette forme de reconnaissance supérieure, Mead introduit le modèle de la division fonctionnelle du travail, tandis que Hegel ébauche l'idée de rapports de solidarité entre individus. On passe donc de l'amour et du droit à la solidarité. Cette dernière est une « synthèse de deux modes de reconnaissance précédents, parce qu'elle partage avec le 'droit' la vision cognitive de l'égalité universelle, avec l' 'amour' la dimension affective de l'attachement et de la sollicitude ».[34]

            Dans son effort de déduire des idées de Hegel et de Mead une ébauche formelle de ce qu'est la vie éthique, Honneth constate qu'il manque au concept de solidarité le fondement motivant d'une communauté d'expérience. Cette motivation, il la trouve dans la division fonctionnelle du travail telle que proposée par Mead. Avec cette idée, à en croire Honneth, on rapporte l'activité des sujets à des valeurs et des buts communs. Le sentiment de sympathie et de solidarité vient de l'expérience qui enseigne à chacun que tous sont menacés, sur un plan existentiel, par les mêmes risques et qu'ils se font une vie réussie dans le cadre de la communauté.[35] « Le terme 'solidarité', en effet, désigne en première analyse une sorte de relation d'interaction dans laquelle les sujets s'intéressent à l'itinéraire personnel de leur vis-à-vis, parce qu'ils ont établi entre eux des liens d'estime réciproque ».[36] Pas étonnant donc que ce terme ait renvoyé souvent aux relations de groupe nées de l'expérience d'une résistance commune à l'oppression politique, car il s'instaure « dans l'épreuve partagée des souffrances et des privations, un nouveau système de valeurs qui permet aux sujets d'estimer autrui pour des prestations et des capacités qui leur paraissaient auparavant dépourvues de signification sociale ».[37] Estimer l'autre c'est reconnaître le rôle significatif et unique que peuvent jouer ses qualités et capacités dans la pratique commune. L'Africain est-il reconnu dans ses capacités? L'expérience de mépris ne peut engendrer que la résistance et une lutte pour la reconnaissance.

            La première lutte de l'Afrique a été contre le mépris de la traite où il s'agissait d'une atteinte à l'intégrité physique de l'Africain qui était soumis sans défense à la volonté d'un autre sujet. La traite faisait perdre à l'Africain le sentiment de sa propre réalité. L'Occident avait détruit chez l'Africain la confiance élémentaire à lui-même. La deuxième forme de lutte a été contre la colonisation qui était une exclusion de certains droits. L'Africain ne comptait pas du point de vue du droit. « La particularité de ces formes de mépris, telles qu'elles se manifestent dans la privation de droits ou dans l'exclusion sociale, ne réside pas seulement dans la limitation brutale de l'autonomie personnelle, mais aussi dans le sentiment corrélatif qu'éprouve le sujet de ne pas avoir le statut d'un partenaire d'interaction à part entière, doté des mêmes droits moraux que ses semblables; se voyant débouté d'exigences juridiques socialement admises, l'individu est blessé dans son attente intersubjective d'être reconnu comme un sujet capable de former un jugement moral ».[38] La troisième forme de lutte que mène l'Africain aujourd'hui est contre l'impérialisme et le « bullyisme » des grandes puissances économiques et militaires.  Après le deuxième type de mépris frappant la personne dans le respect qu'elle se porte à elle-même, la dernière sorte d'humiliation  « consiste à juger négativement la valeur sociale de certains individus ou de certains groupes; c'est seulement avec cette forme pour ainsi dire évaluative du mépris, ce regard de dénigrement porté sur des modes de vie individuels et collectifs, qu'on aborde réellement l'attitude qui est aujourd'hui couramment désignée comme 'offense' ou une 'atteinte' à la dignité d'autrui ».[39]

            L'amour, forme élémentaire de reconnaissance, ne fait pas surgir des vraies exigences morales pouvant entraîner l'émergence des conflits sociaux. Même si toute relation d'amour comporte une dimension existentielle de lutte qui exige un équilibre intersubjectif entre la fusion et la démarcation du moi, les buts et les désirs mis en jeu ne se généralisent pas au-delà du cercle primaire pour devenir des questions d'intérêts publics. « Les formes de reconnaissance du droit et de l'estime sociale, en revanche, fournissent un cadre moral aux conflits sociaux, parce qu'elles dépendent, dans le principe même de leur fonctionnement, de critères généraux concernant la société entière ».[40]

            La mondialisation s'établit par des phénomènes sans fin d'imitations et provoque en même temps des réactions de rejet. Il y a donc ambiguïtés et contradictions. La poussée de mondialisation s'accompagne par exemple de réactions intégristes musulmanes, des réactions des antimondialistes et altermondialistes... Le terrorisme, par exemple, « peut être nourri par la mondialisation : non seulement celle-ci amplifie, systématise les comparaisons (entre niveaux de vie, entre sociétés) et excite des frustrations, mais encore elle contraste les distances. Le New-Yorkais et l'Afghan se retrouvent dans un même village, tout en continuant de vivre dans des univers différents ».[41] La résistance à la mondialisation vient aussi du fait que celle-ci ne se dissocie pas du triomphe des idées occidentales (individualisme, démocratie, économie du marché). Or l'histoire nous montre que toute pensée unique appelle toujours son détournement, sa subversion. Boutros Boutros-Ghali énumère trois dangers qui menacent la mondialisation : la dissolution de l'Etat dans le marché, la constitution des communautés agressivement repliées sur elles-mêmes au nom de la différence et, enfin, la destruction des liens de solidarité traditionnels, l'enfoncement des individus, des pays, des régions entières dans la misère.[42]

            L'Africain, dans cette ambiance de la mondialisation, se pose des questions sur la signification de son existence dans la grande communauté mondiale où il fait l'expérience d'un déclassement social par ses pairs d'interaction. Puisqu'il perd l'estime de soi, il ne peut se comprendre lui-même comme un être apprécié dans ses qualités et ses capacités caractéristiques. Comme le dit si bien Honneth, « les émotions négatives qui accompagnent l'expérience du mépris pourraient en effet constituer la motivation affective dans laquelle s'enracine la lutte pour la reconnaissance ».[43] L'expérience du mépris est toujours accompagnée de sentiments susceptibles de révéler à l'individu méprisé que certaines formes de reconnaissance lui sont refusées. Selon Honneth, « toutes les émotions négatives suscitées par l'expérience du mépris des exigences de reconnaissance comportent en effet la possibilité que le sujet concerné prenne clairement conscience de l'injustice qui lui est faite, et y trouve un motif de résistance politique ».[44]

3. Mondialisation et résistance ou le droit d'être reconnu


            L'individu mondialisé est déraciné, arraché. La mondialisation est indissociable, avons-nous déjà dit, de la modernité occidentale, de l'urbanisation et de l'industrialisation. Tout bouge. L'individu mondialisé devient apatride. Or sans État-protecteur, l'individu est sans droits et sans identité. C'est en tant que citoyen d'une nation que l'individu a « le droit d'avoir des droits ». Peut-on vraiment parler de citoyenneté universelle quand on sait que c'est la nationalité qui donne des droits à un individu![45] Une lecture d'Arendt et de mon livre[46] éclairerait davantage à ce sujet. La mondialisation reformule le rôle de l'Etat.
            Axel Honneth substitue au concept heideggérien de « souci » la catégorie de « reconnaissance » pour « justifier la thèse selon laquelle, dans la relation humaine à soi-même et au monde, une posture affirmative, en l'occurrence une posture formée par la reconnaissance, précède toutes les autres attitudes aussi bien d'un point de vue génétique que d'un point de vue catégoriel ».[47] Chaque être humain veut être reconnu. Comme déjà dit plus haut, la relation de reconnaissance soumet les sujets à des exigences réciproques. Le concept honnethien de lutte sociale, à la différence de tous les modèles utilitaristes, « suggère que les motifs de résistance et de révolte sociale se constituent dans le cadre d'expériences morales qui découlent du non-respect d'attentes de reconnaissance profondément enracinées ».[48]

            « L'expérience du mépris est à l’origine d'une prise de conscience, affectivement marquée, d'où naissent les mouvements de résistance sociale et les soulèvements collectifs ».[49] Dans le cadre de la mondialisation, l'Afrique doit résister à toute réification et exiger une attitude communicationnelle réussie. Et, selon Honneth, l'attitude communicationnelle spécifique à la conduite humaine, c'est-à-dire l'aptitude « à endosser rationnellement la perspective d'autrui s'enracine elle-même dans une interaction antérieure qui possède les traits d'une sorte de préoccupation (besorgnis) existentielle ».[50] L'occident doit se décentrer par rapport à sa propre perspective, une perspective égocentrique; elle doit accepter l'existence de perspectives différentes de la sienne. Or, la pratique capitaliste aujourd'hui fait valoir l'indifférence envers la valeur d'autres êtres humains; ce n'est pas la reconnaissance mutuelle qui domine les rapports des uns aux autres mais les intérêts individuels. Les sujets se perçoivent plus comme des objets identifiés.

            L'Africain doit être en mesure d'entrer en relation avec lui-même de façon expressive, il doit s'accepter lui-même « au point de considérer que ses propres vécus psychiques méritent d'être activement envisagés et formulés ».[51] Dans les relations entre l'Afrique et l'Occident, le fait que chacun découvre qu'il était l'objet des mêmes attentes normatives que celles qu'il nourrissait de son côté à l'égard de son vis-à-vis, « et non la manière dont l'Autre défend ses droits individuels, amener chacun de deux sujets à découvrir dans son vis-à-vis une personne moralement vulnérable et ainsi à accepter ses revendications fondamentales d'intégrité; dans une mesure, c'est l'expérience sociale de la vulnérabilité morale de leur partenaire d'interaction, et non l'expérience existentielle de la moralité de l'Autre, qui peut faire prendre conscience aux individus de ces rapports de reconnaissance primitifs, dont le noyau normatif prend dans la relation juridique la forme d'une obligation intersubjective ».[52]  A ce moment, tous les membres de la communauté mondiale ou société mondialisée se respecteront et respecteront mutuellement leurs exigences légitimes. Un tel respect permettra le développement des rapports sociaux non conflictuels.

            Comme pour les relations interpersonnelles, nous pourrions emprunter le discours d'Honneth, et dire,  pour les relations de l'Afrique avec l'Occident, que « dans la perspective d'une théorie de la reconnaissance, l'idée de la vie éthique se fonde sur la prémisse selon laquelle l'intégration sociale d'une communauté politique ne peut réussir pleinement que dans la mesure où elle trouve un terrain favorable dans les rapports réciproques qu'entretiennent traditionnellement les membres de la société; c'est pourquoi les concepts fondamentaux qui décrivent les présupposés éthiques concrets d'une telle communauté doivent pouvoir appréhender les caractères normatifs des liens communicationnels ».[53]  Pour être réellement reconnu, l'Africain doit passer du « stade du play » où il serait un simple imitateur pour le « stade de game » qui est celui de la compétition où il doit discerner son propre rôle dans le village planétaire.[54] Passer au game, cette sphère de compétition, c'est alors être capable d'ajuster le comportement par rapport aux règles du jeu; c'est être à mesure de faire la synthèse des perspectives des différents joueurs dans le nouveau processus de socialisation mondiale. Tous les partenaires doivent intérioriser les normes d'action produites par ce vivre-ensemble global. Une telle intériorisation permet à chaque partenaire de connaître les attentes des autres mais aussi leurs obligations vis-à-vis de lui.  « Si le sujet, apprenant à endosser les normes sociales d'action de l'autrui généralisé, acquiert l'identité d'un membre accepté de sa communauté, alors on est fondé à appliquer le concept de 'reconnaissance' à cette relation intersubjective ».[55]

            Dans la reconnaissance, le sujet se rend compte de ses droits et de ses obligations. Un sujet reconnu recouvre sa « dignité », il est assuré de la valeur sociale de son identité. Un sujet reconnu, un sujet qui a conscience de sa propre valeur à aussi le sens du « respect de soi », c'est-à-dire « l'attitude positive qu'un individu est capable d'adopter à l'égard de lui-même lorsqu'il est reconnu par les membres de sa communauté comme une personne d'un certain genre ».[56] Par cette attitude, l'individu prend confiance en ses propres capacités. C'est cela que l'Africain doit pouvoir adopter face à un monde dans lequel il semble perdu par la vitesse des nouveautés technologiques, par la remise en question de la morale traditionnelle, etc.

            En se reconnaissant mutuellement comme personnes juridiques, l'africain et l'occidental vont intégrer dans leur action, comme instance de contrôle, « cette volonté collective qui s'incarne dans les normes intersubjectivement reconnues de leur société. En reprenant les perspectives normatives de l' 'autrui généralisé', les partenaires savent en effet quelles obligations ils sont tenus de respecter à l'égard de l'autre. Inversement, ils peuvent donc aussi se comprendre comme porteurs d'exigences individuelles auxquelles leur vis-à-vis se sait obligé de satisfaire. L'expérience consistant à être reconnu comme une personne juridique par les membres de la communauté signifie pour le sujet individuel la faculté de prendre envers lui-même une attitude positive. Car les autres, en se sachant obligés de respecter ses droits, lui accordent inversement les qualités d'un acteur moralement responsable ».[57]

            Le « je » cherche toujours une communauté qui lui accorderait le plus d'espace de liberté. C'est tout le sens de la multitude des écarts moraux. Les percées individuelles visent à élargir les rapports de reconnaissance en un nouveau système d'exigences normatives. Le potentiel de l'individualité se libère grâce à un accroissement des espaces de libertés juridiquement garantis. Ainsi, pour Hegel comme pour Mead, la libération historique de l'individualité s'accomplit sous la forme d'une longue lutte pour la reconnaissance. Le "je" cherche à être reconnu dans sa singularité propre, être reconnu dans sa valeur individuelle; il voudrait que ses partenaires d'interaction lui reconnaissent sa valeur unique dans son environnement social. Par une telle reconnaissance, le sujet peut s'assurer de la signification sociale de ses capacités individuelles. C'est seulement dans l'horizon des valeurs partagées que le sujet « peut se comprendre comme une personne qui se distingue de toutes les autres, dans la mesure où elle apporte au processus de vie sociale une contribution reconnue comme unique ».[58] L'Africain, dans ce monde mondialisé ne veut pas autre chose qu'être reconnu dans sa singularité et voir cette singularité être perçue par ses partenaires comme une valeur contribuant à l'édification de notre société mondiale.

            « Mead part à juste titre du fait qu'un sujet peut se comprendre comme une personne unique et irremplaçable dès lors que sa façon particulière de se réaliser est reconnue par tous ses partenaires d'interaction comme une contribution positive à la communauté. Par la compréhension pratique qu'il a de lui-même, c'est-à-dire par son 'moi', cet acteur sera alors en mesure de partager non seulement les normes morales, mais aussi les objectifs éthiques des autres membres de la société: de même qu'il peut, à la lumière des normes d'action communes, se comprendre comme une personne jouissant de certains droits à l'égard de tous les autres sujets, de même il peut, à la lumière des valeurs communes, se comprendre comme une personne présentant pour toutes les autres une signification unique ».[59]  Quelle est la signification unique de l'africain aujourd'hui dans la mondialisation? Telle est la question majeure que l'africain, surtout les jeunes se posent. L'Africain voudrait avoir une « vie bonne » avec tous les autres membres de la communauté mondiale. La « vie bonne » est l'objectif des rapports intersubjectifs et entraine ipso facto des règles éthiques pour sa réussite. Une telle vie devrait avoir pour corolaire la liberté de chaque membre de la communauté de se choisir sa propre voie - eu égard aux droits qui sont accordés aux membres de la communauté.  « Avoir des droits, cela nous permet de 'garder la tête haute', de regarder les autres dans les yeux et de nous sentir fondamentalement l'égal de tous. Se considérer comme détenteur de droits, c'est développer un sentiment de fierté légitime, c'est avoir un minimum de respect pour soi-même sans lequel on ne serait pas digne de l'amour et de l'estime de l'autre. Respecter les personnes (...), ce n'est peut-être que respecter leurs droits, de sorte que l'un ne va pas sans l'autre; et ce qu'on appelle la 'dignité humaine', ce n'est rien d'autre que la capacité reconnue de revendiquer un droit ».[60]

            Empiriquement, toutes les formes de résistance ne peuvent être assimilées à la non reconnaissance d'exigences morales. Parfois le souci de la vie économique a motivé la protestation et le soulèvement des masses. Les intérêts peuvent constituer des finalités fondamentales orientant la situation économique et sociale des individus. « Les sentiments de mépris, en revanche, constituent le noyau d'expériences morales qui interviennent dans la structure des interactions sociales, parce que les sujets humains se rencontrent et se découvrent porteurs d'attentes de reconnaissance dont dépendent les conditions de leur intégrité psychique; de tels sentiments d'injustice peuvent conduire à des actions collectives, dans la mesure où un nombre important de sujets les perçoit comme typiques d'une situation sociale ».[61]L'Africain doit résister à toute réification pour pouvoir être reconnu dans ses qualités et ses capacités particulières dans son interaction avec les hommes d'autres cultures et races. Une telle estime sociale est liée aux valeurs communes que la société mondialisée entend poursuivre.

            L'ancienne Théorie critique était rattachée à Marx et n'a saisi la société que comme des rapports de travail, que comme des rapports de production. C'est Habermas qui donnera à cette théorie une nouvelle approche en insistant sur un concept de social avant tout caractérisé par les processus d'entente au moyen du langage. Ainsi, le cœur du social n'est plus dans l'action instrumentale mais dans l'activité communicationnelle. Habermas fait ainsi le dépassement du paradigme de la production. « La perspective normative n'était plus celle d'une émancipation du travail ou par le travail mais d'une libération du potentiel normatif de l'entente communicationnelle ».[62] La tentative de Honneth c'est d'élargir ou de corriger cette voie ouverte par Habermas dans une perspective marquée par une théorie du conflit (au lieu de s'arrêter à une conception du social fondée dans les relations de communication). Honneth substitue le paradigme de l'entente communicationnelle par celui de la lutte pour la reconnaissance. Le social est un champ de luttes et de confrontations sociales. Ainsi, pour l'auteur de La lutte pour la reconnaissance, « il est fatal de réduire les processus d'interaction sociale et les rapports de communication à la seule dimension étroite de l'entente langagière ».[63] On ne peut donc pas négliger les aspects non langagiers de la communication sociale. Il fait donc un passage du langage à l'expérience sociale.

            Est-ce que la mondialisation assure aux Africains des possibilités satisfaisantes de formation de l'identité, d'une réalisation de soi réussie ? N'y a-t-il pas une manipulation culturelle quand on constate qu'il y a aujourd'hui plusieurs pathologies sociales dans la mesure où la mondialisation met en place des relations ou des évolutions sociales qui portent atteintes aux conditions de réalisation des Africains; ce sont des pathologies qui rendent les Africains étrangers à leurs propres conditions de vie, à la nature et à eux-mêmes. L'Africain doit résister pour pouvoir retrouver les conditions de participation à l'espace public démocratique de la société mondiale. Mais ces conditions « ne sont garanties que si tous les sujets disposent dans les faits de la possibilité réelle d'apparaître dans l'espace public de manière autonome et sans contrainte ».[64] L'Africain ne pourra apparaître en public "sans honte" que si toutes les formes de reconnaissance sociale lui sont reconnues. La mondialisation ne doit pas être la loi du plus fort. « Et si la mondialisation est perçue comme une domination de quelque nature qu'elle soit, la première forme de domination exercée reste celle du concept. Alors quelle solution devant une telle impasse, si ce n'est une démarche collective qui restituerait de manière volontaire et rationnelle, et non émotionnelle, la mondialisation dans le sens du partage et non de la domination ».[65]

            Conclusion


            La mondialisation fait de la terre une scène unique où les cultures se comparent, s'imitent, entrent en compétition et coopèrent parce qu'on lie l'avenir de l'humanité à l'acceptation d'un destin commun; il faut s'ouvrir pour ne pas mourir. Mais c'est aussi le lieu des frustrations, des conflits (économiques, politiques ou morales). Face à ces conflits, deux perspectives sont envisageables: une perspective optimiste qui pense que les hommes doivent travailler ensemble pour un avenir commun et que les différences, loin d'être source de haine, doivent plutôt être facteurs de coopération et d'enrichissement mutuel; l'autre, pessimiste, qui considère que toute sécurité exige une population homogène sur un territoire homogène; il faut se construire des forteresses.[66]

            Pour conclure notre réflexion, disons qu'aujourd'hui il faut passer de la multiculturalité à l'interculturalité. Ce que l'Afrique attend de la mondialisation ce n'est pas simplement la reconnaissance de sa diversité par rapport aux autres cultures (cela est clair aujourd'hui qu'il y a une multitude des cultures dans le monde) mais et surtout sa reconnaissance comme valeur parmi les autres cultures. Elle est une culture qui apporte sa valeur dans l'échange des cultures et non pas simplement une source des matières premières. L'identité c'est ce en quoi l'on se reconnaît et on est reconnu; même s'il faut savoir aussi qu'elle est dynamique.

            Je suis d'avis avec Lukàcs que la réification est devenue « une seconde nature » de l'homme dans le capitalisme, de l'occidental dans la mondialisation. « L'appréhension quantitative de l'objet, le traitement instrumental d'autrui, le fait de se rapporter à l'ensemble de ses propres capacités et des besoins comme à quelque chose d'économiquement profitable - tout cela est subsumé sous le titre de chosification. Ainsi qualifiera-t-on de réifiante toute une série de conduites, qui vont de l'égoïsme brut au triomphe des intérêts économiques, en passant par l'absence d'empathie (...) à l'égard d'autrui ».[67]

            Ce que la société mondialisée doit promouvoir c'est une acceptation réciproque de différentes sociétés comme partenaires dans leurs rapports d'interaction. La prise en compte de la singularité de chaque peuple, de chaque culture dans ce village planétaire, fondée sur l'unicité de son itinéraire personnel, constituera le ferment de l'éthique collective de la société mondialisée. Avec Hegel, nous entendons par 'vie éthique' « le type de relations sociales qui se nouent quand l'amour, sous l'effet du droit et de sa vision cognitive des rapports humains, se dissout en une solidarité universelle entre les membres d'une collectivité. Chaque sujet pouvant alors respecter l'autre dans sa particularité individuelle, cette attitude représente la forme la plus exigeante de la reconnaissance mutuelle ».[68] Grace à cette vie éthique, on pourra mettre en place les conditions intersubjectives constituant les présupposés nécessaires de la réalisation individuelle de chaque partenaire d'interaction. Tout ne doit pas se réduire à l'économie, car un bien et mieux-vivre ensemble dépasse le simple niveau de l'économique. Pourquoi des communautés entières se replieraient-elles sur elles-mêmes sinon par peur de se voir engloutir par les grandes communautés internationales et perdre ainsi leur propre identité. Sans une ouverture à la grande majorité des humains, la mondialisation risque de devenir et être considérée comme la chasse gardée de certaines puissances, la loi du plus fort. La mondialisation ne doit pas être l'américanisation ou l'occidentalisation du monde - renforçant ainsi les inégalités -; elle devrait plutôt être la possibilité de l'égalité des chances pour toutes les cultures et tous les peuples. Il faut donc dire non au « bullying » (tyrannie) des « grands ».  
                     
            Concluons avec Honneth pour dire que certaines théories sociales dominantes ont porté leur attention exclusivement sur le processus d'intégration réussis et d'autres (dites du "conflit") ont réduit le conflit à une confrontation visant le triomphe des intérêts ou avantages statutaires propres des partenaires - laissant ainsi de côté la dimension morale d'un effort visant la prise en compte de la valeur de chaque membre de la société aux yeux des autres membres. Pour Honneth, c'est là une grande erreur de ne pas distinguer « dans le social la lutte permanente des membres de la société pour gagner le respect et l'estime de leurs partenaire ».[69] Nous ne pourrons parler d'une vraie mondialisation que quand tous les membres de la communauté mondiale disposeront des conditions d'une réalisation de soi réussie, c'est-à-dire quand tous les partenaires existent socialement et sont visibles. L'Afrique doit donc résister à la rationalité de la mondialisation telle qu'elle se présente aujourd'hui parce que cette rationalité est purement et simplement capitaliste; une rationalité instrumentale, réifiante. Elle doit résister à l'invisibilité, à la non-existence dans laquelle l'a plongée la mondialisation dans sa forme capitaliste pour qu'elle soit remarquée positivement dans les relations interculturelles - sinon, elle continuera à être « regardée à travers », à être méprisée, à être rendue invisible par ses partenaires d'interaction. C'est une erreur monumentale de penser qu'on peut entrer dans la mondialisation en négligeant ses propres valeurs pour une « valeur mondiale ». On ne peut donner que ce que l'on a. Loin de nous l’idée de développer une vision polarisante de la mondialisation ; le monde est aujourd’hui multipolaire avec la réalité de l’émergence comme phénomène qui caractérise les nouveaux pôles économiques (les pays occidentaux, par exemple, dépendent de la Chine). Ce que nous soutenons c’est que l’Afrique doit se retrouver dans cette multipolarité.

                                                                                                 Prof. Dr. Okey Mukolmen Willy
                                                                                                    Professeur des Universités
Bibliographie

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[1] Cet article, revu et corrigé, a été publié d’abord dans la Revue Pensée Agissante de l’Université Saint Augustin de Kinshasa (Juillet – Décembre 2015).
[2] W. OKEY Mukolmen, « S’ouvrir pour ne pas mourir, mais à quel prix ? De l’éthique de la mondialisation » in Pensée Agissante, juillet-décembre 2010-2011, vol 17, n° 33. IDEM, « De la pensée unique à la pensée complexe. Quelle politique pour l’Afrique aujourd’hui ? » in Pensée Agissante, juillet-décembre 2012, Vol,19, n°37, p.35 – 43.
[3]J’emploierai indifféremment les deux concepts – même si certains auteurs, comme José VIDAL-BENEYTO, proposent que « nous appelions ‘mondialisation’, l’ensemble des processus de contenu culturel, social, communicationnel, etc., en tout cas non économique » et que nous gardions « le terme ‘globalisation’ pour les processus toujours à caractère planétaire et de contenus économiques et financiers ».
[4] F. De BERNARD in http://forumdufutur.pagesperso-orange.fr/Mondia-ident.htm visité le 3 Avril 2014.
[5] A. HONNETH, La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique. Textes traduits de l’allemand par Olivier VOIROL, Pierre RUSCH et Alexandre DUPEYRIX,Paris, La Découverte/Poche, 2008,  p.119.
[6] P.M. DEFARGES, La mondialisation, 8ème édition mise à jour, Paris, P.U.F, p. 26.
[7] K. MATSUURA in http://forumdufutur.pagesperso-orange.fr/Mondia-identifiables.htm visitée le 03 Avril 2014.
[8] P.M. DEFARGES, Op.Cit., p.13.
[9] E. MARTIN, « La mondialisation menace-t-elle notre identité » in http://www.contrepoints.org/2012/03/25/74571-la-mondialisation-menace-t-elle-notre-identite visitée le 14/08/2013.
[10] Cf. HONNETH, La société du mépris, p.285.
[11] Cf. ibid.,p.277.
[12] Cf. A.HONNETH,La lutte pour la reconnaissance. Traduit de l’allemand par Pierre RUSCH, Paris, Cerf, 2000, p.7- 8.
[13] Ibid., p.113.
[14] A. HONNETH, La société du mépris, p.109 – 110.
[15] FRANCOIS, Evangelii gaudium, n.53.
[16] Cf. P.M. DEFARGES, Op.Cit., p.23-26.
[17] FRANCOIS, Op.Cit., n.53.
[18] A. HONNETH, La réification. Petit traité de Théorie critique, Traduit de l’allemand par Stéphane HABER, Paris, Gallimard, 2005. (Essais), p.17.
[19] Ibid.,p.21.
[20] Ibid., p.22.
[21] Ibid., p.31.
[22] Ibid., p.66. Nous soulignons.
[23] A. HONNETH, La réification. Petit traité de Théorie critique, p.88.
[24] Ibid., p.107.
[25] Cf. Ibid., p.109 -110.
[26] IDEM, La lutte pour la reconnaissance, p.51-52.
[27] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.58-59.
[28] Ibid., p.130.
[29] Cf. ibid., p.133.
[30] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.134.
[31] Cf. ibid., p.144.
[32] Ibid., p.147.
[33] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.110.
[34]Ibid.
[35] Cf. ibid.
[36]Ibid., p.156.
[37]Ibid.
[38]Ibid., p.164.
[39] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.164.
[40] Ibid., p.194.
[41] P.M. DEFARGES, Op.Cit,,p.43-44.
[42] Cf. B. BOUTROS-GHALI in http://forumdufutur.pagesperso-orange.fr/Mondial-ident.htm visité le 3 Avril 2014.
[43] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p. 166.
[44] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.169.
[45] Cf. DEFARGES, Op.Cit., p.46-47.
[46] Cf. W. OKEY Mukolmen, Action politique et banalité du mal. Repenser la politique avec Hannah Arendt. Préface de Nestor MBOLOKALA Imbuli, Morolo, IF Press, 2008.
[47] A. HONNETH, La réification, p.44.
[48] IDEM, La lutte pour la reconnaissance, p.195.
[49] Ibid., p.171.
[50] IDEM, La réification, p.52-53.
[51] Ibid., p.102.
[52] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.63.
[53] Ibid., p. 75.
[54] Le cadre de référence de l’image de l’enfant s’élargit à mesure que s’étend le cercle de ses partenaires. Mead illustre cette évolution à l’ide de deux phases du jeu enfantin : « au stade du play, du libre jeu de rôle, l’enfant communique avec lui-même en imitant le comportement d’un partenaire réel, auquel il réagit ensuite de façon complémentaire à travers ses propres actes. Le second stade est celui du game, du jeu de compétition réglementé, et il exige que l’enfant représente simultanément en lui-même les attentes de tous les autres participants, pour pouvoir discerner le rôle propre qu’il lui faut tenir dans le réseau d’actes organisés du jeu. La différence entre ces deux stades se mesure au degré de généralité des attentes normatives que l’enfant doit anticiper en lui-même. Dans le premier cas, il s’agit du modèle comportemental concret d’une personne faisant office de référant social, dans le second, ce sont les schémas généralisés d’un groupe tout entier qui doivent être intégrés dans l’action individuelle comme instance de contrôle fondée sur des attentes normatives »  A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissance, p.94.
[55] Ibid., p.96.
[56] A. HONNETH, La lutte pour la reconnaissancep.97.
[57] Ibid., p. 97-98.
[58]  Ibid., p.106.
[59] Ibid., p.108 – 109.
[60] J. FENBERG cité par Ibid., p.146.
[61] Ibid., p.197.
[62] IDEM, La société du mépris, p.158.
[63] Ibid., p.161.
[64] A. HONNETH, La société du mépris, p.175.
[66] Cf. DEFARGES, La mondialisation, p.77-78.
[67] A. HONNETH, La réification, p.23.
[68] IDEM, La lutte pour la reconnaissance, p.110.
[69] IDEM, Ce que social veut dire : I. Le déchirement du social. Traduit de l’allemand par Pierre RUSCH, Paris, Gallimard, 2013, p.11.