dimanche 23 octobre 2022

 

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET QUESTIONS ETHIQUES

                Nous sommes tous citoyens de Digitalis, le pays qui compte plus de quatre milliards d’habitants. Tous nous sommes embarqués, sans notre consentement, dans ce pays de la digitalisation. L’homme serait ainsi appelé à la progression vers des choses plus grandes, à dominer sur les choses et, on se rend compte, sur l’homme lui-même. Le souci est celui de rendre notre vie sur terre plus aisée. Ce souci d’améliorer les conditions de vie, qui anime l’homme de tout temps, entraîne avec lui des problèmes éthiques sur l’agir de l’homme car une telle ambition peut se révéler dangereuse à certains égards. La neutralité de la technoscience en matière de moralité des actes humains pose donc problème. L’homme se retrouve pris au piège entre la fascination pour un nouveau mode d’être qu’apporte la technologie et la peur de la fin de l’Humanité qui pourrait en résulter.

      Avec l’avancée de la technoscience, le naturel et l’artificiel se côtoient. Des questions se posent alors du point de vue juridique, du point de vue éthique, du point de vue économique, du point de vue éducationnel… Autrement dit, la révolution technologique bouleverse notre quotidien sur tous les plans, Nous sommes submergés au plan moral, politique, juridique, comportemental, et j’en passe.

      Devant l’inéluctabilité du développement de l’intelligence artificielle, 193 Etats viennent de mettre en place un cadre juridique, propice à un déploiement sain de la technologie, en signant le 25 Novembre 2021 un accord de recommandation sur l’éthique de l’IA. A l’occasion de cette signature, Audrey Azoulay, la Directrice générale de l’UNESCO, déclarait que « le monde a besoin de règles pour que l’intelligence artificielle profite à l’humanité et la Recommandation sur l’éthique de l’IA est une réponse forte ». 

Notre propos, comme l’indique si bien notre intitulé, retiendra l’aspect éthique de ce mariage entre l’homme et l’intelligence artificielle. Une société sans normes devient une société dangereuse et peut conduire à son autodestruction. C’est pourquoi le recours à l’éthique s’avère une nécessité, car, pour paraphraser le titre d’un de mes articles, nous devons nous ouvrir à l’intelligence artificielle pour ne pas mourir. Mais à quel prix ?

Nous articulerons notre texte autour de deux thèmes : dans un premier temps nous parlerons de l’Intelligence Artificielle et, dans un second moment, nous aborderons quelques problèmes éthiques que pose cette intelligence.

I.                   L’intelligence Artificielle

Le terme Intelligence Artificielle (IA) est une invention, en 1956, de John McCarthy, Marwin Minsky, Nicolas Rochester et Claude Shannon de Darmouth College dans le New Hampshire (Etats Unis). Pour eux, et encore aujourd’hui, cette expression est employée « pour désigner la discipline informatique qui vise à fabriquer des machines simulant une à une les différentes fonctions de l’intelligence »[1] ; autrement dit, cette terminologie désigne les sciences et les technologies qui permettent de simuler l’intelligence humaine au moyen des machines. On part du principe selon lequel « toutes les facultés cognitives, en particulier le raisonnement, le calcul, la perception, la mémorisation, voire même la découverte scientifique ou la créativité artistique, pourraient être décrites avec une précision telle qu’elle devrait être possible de les reproduire à l’aide d’un ordinateur »[2]. Dans le langage courant, l’intelligence artificielle comprend les dispositifs imitant ou remplaçant l’homme dans certaines mises en œuvre de ses fonctions cognitives.

Il faut cependant signaler que c’est déjà en 1936 qu’Alan Turing a inventé cette intelligence par le pont qu’il établit entre une formalisation mathématique du calcul et les automates à états finis (les ordinateurs). « L’intelligence artificielle ne vise aucunement à destituer l’homme de son privilège de penser, pour lui substituer une machine pensante. Elle ne bâtit que des théâtres imaginaires, où se meuvent des personnages chimériques dotés d’aptitudes partielles. Elle n’est qu’une intelligence fabriquée au moyen des techniques informatiques ; autrement dit, elle n’est qu’une ‘intelligence artificielle’ »[3].

Certains considèrent l’Intelligence Artificielle comme des prothèses qui pallient aux déficiences de notre intelligence. Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle  est omniprésente dans notre vie. Grâce aux automates, nos agendas sont gérés, nos courriers électroniques sont filtrés, on peut suivre l’évolution de son compte Mpesa, on peut être prévenu de l’imminence d’un accident à cause de l’inattention au volant, on peut arriver à destination même si c’est pour la première fois qu’on y va, le pilote peut se reposer en mettant son avion en mode pilotage automatique, les fautes de frappe peuvent être corrigées, on peut passer de la parole à l’écriture sans toucher au clavier de son ordinateur ou smartphone, le véhicule peut s’immobiliser pour éviter un accident grâce à l’ABS – le système de freinage automatique, etc. En parlant de l’Intelligence Artificielle, on pense à « la reproduction, au moyen des machines, des différentes fonctions de notre entendement, comme la capacité de parler, de lire, de comprendre, de calculer, de raisonner »[4] (pensons par exemple au dialogue entre un voyageur et sa compagnie d’aviation pour savoir si le vol sera à l’heure. On dialogue avec une machine qui vous répond avec exactitude. Encore faut-il une bonne prononciation). Les consoles, les jeux vidéos, le progrès de la robotique sont une expression claire du développement de l’Intelligence Artificielle.

L’intelligence artificielle recouvre de manière effective deux domaines très larges : la perception et la cognition. Du point de vue de la perception, les avancées ont été significatives en rapport avec la reconnaissance vocale et la reconnaissance d’images ; tandis qu’en ce qui concerne la cognition, les avancées concernent le machine learning (on peut par exemple identifier vos intérêts à partir de vos recherches sur internet).

Dans ce nouveau monde algorithmique, on pense que l’Intelligence Artificielle a un rôle très limité (une simple aide à la décision) et qu’en aucun cas elle ne pourra remplacer l’être humain, son créateur. Les moteurs d’intelligence artificielle sont conçus et développés par des humains. De ce fait, leurs instructions devraient demeurer « explicables ». C’est ainsi que  Mohamed Mansouri trouve qu’il serait même impropre de parler d’intelligence artificielle d’autant plus qu’il s’agit d’une simple fonctionnalité car cela sème de la confusion entre l’intelligence des personnes qui l’ont créée et celle portée par les outils. Partant de l’étymologie, le terme intelligence (Inter et ligere) renvoie à la faculté de lier des situations entre elles. « L’intelligence, c’est aussi ‘réagir avec discernement face à des situations nouvelles, tirer profit de circonstances fortuites, discerner le sens de messages ambigus ou contradictoires, trouver des similitudes entre des situations malgré leurs différences, trouver de nouvelles idées’, donc créer de la nouveauté »[5]. Mais l’IA ne crée pas, elle exécute les combinaisons des algorithmes. La question qui nous hante est celle de savoir si le progrès réalisé dans ce domaine ne se fait pas au détriment des valeurs éthiques.

D’une part on considère que les technologies des automates sont fiables pour un bon rendement, d’autre part on se rend compte aussi des disfonctionnements de ces automates. La faute est alors attribuée à l’homme dans un défaut de communication réussie entre lui et la machine. « Trop rapides, elles nous fourvoient ; trop lentes, elles nous ennuient, notre rythme n’est pas la leur. Nous interprétons mal les informations qu’elles nous fournissent ; et mal informés, nous les commandons mal »[6]. Devant l’évolution de l’intelligence artificielle, l’homme est pris en étau entre fascination et effroi. Pour ceux qui vivent la peur au ventre, l’intelligence artificielle est une réalité fantasme qui risque de nous amener à une troisième guerre mondiale – tant la compétition pour la supériorité de l’intelligence artificielle se joue au plan international entre les nations. « Les chercheurs du Facebook AI Research Lab (PAIR) ont été contraints de désactiver un moteur d’IA après avoir constaté que ses agents conversationnels avaient créé leur propre et unique langage que les humains ne pouvaient comprendre »[7]. L’IA utilise les données mises à sa disposition. L’inexactitude de celles-ci ne peut que se refléter dans les décisions de l’intelligence artificielle. « Les systèmes de machine learning les plus sophistiqués peuvent parfois s’avérer de véritables boîtes noires, à tel point que les éditeurs des solutions eux-mêmes peinent parfois à expliquer correctement la raison d’une décision d’IA »[8].

A la peur que peut engendrer l’évolution rapide de la technologie digitale, Geerts montre plutôt un optimiste étonnant. Selon lui, « la technologie aura bien être omniprésente, elle le sera en arrière-plan et davantage dans un rôle de soutien, ce qui sera positif pour notre santé (mentale). (…) Nous devrions aboutir à une sorte d’augmented humanity : les gens seront capables de se surpasser et deviendront donc plus humains grâce à la technologie. (…) Internet fonctionnera comme un ‘cerveau externe’, et des algorithmes nous faciliteront la vie. La technologie nous déchargera de tâches inutiles afin que nous disposions de plus de temps pour les choses essentielles »[9].

Grâce à la digitalisation et à l’Intelligence Artificielle, la connaissance est devenue bon marché. Le monde digital permet aujourd’hui la collaboration et l’échange de plus d’informations internationalement (Wikipédia est un exemple éloquent). Il suffit d’un clic pour apprendre beaucoup de choses sans avoir à débourser des milliers des dollars, euros ou francs congolais. Aujourd’hui, le smartphone est un appareil all-in-one, c’est-à-dire il est un téléphone, un dictaphone, un GPS, un appareil de photo, une caméra pour les vidéos, un agenda, une encyclopédie, une vidéothèque, etc., Cela réduit énormément le nombre de choses que l’on pouvait avoir entre les mains et le coût que cela représenterait si on achetait toutes ces choses séparément. Et pour Thierry Geerts, l’homo digitalis vivra dans un monde meilleur que celui d’avant. Cela se remarquera surtout dans le domaine de la santé grâce à l’intelligence artificielle car les algorithmes seront un outil supplémentaire pour les médecins en de diagnostics plus précis.

Ce qui est au moins sûr c’est que l’homo sapiens est mort ; il a laissé la place à l’homo digitalis. La crise du coronavirus a montré que plusieurs activités pouvaient se faire de manière digitale : communication avec les membres de la famille, Visio conférence pour des réunions de travail, télétravail, cours à distance, e-commerce (commerce en ligne), opérations bancaires en ligne. Du point de vue environnemental, la « sédentarisation » forcée des personnes a permis la réduction de la pollution car le nombre des véhicules et d’avions en circulation a baissé, des milliers d’arbres ont été épargnés de la coupe en termes de tonnes des papiers qui pouvaient être imprimés, des milliers d’hectolitres de carburant ont été épargnés – malheur aux économies des pays producteurs du bois, du carburant ou autre.

Pour Geerts, la solution à la problématique climatique et environnementale c’est plus de technologie. Car cette dernière nous aidera à lutter contre le gaspillage des matières premières par le fait que les appareils intelligents sont plus économiques et durent plus longtemps. Par exemple le passage des lampes incandescentes au LED permet d’éclairer de manière aussi précise que possible en calculant la quantité de lumière nécessaire pour une salle ; le CD vont disparaître pour laisser la place à l’achat de la musique à un service de streaming ; les voitures autonomes consomment moins de carburant[10]. L’impact écologique de la dématérialisation n’est plus à démontrer (moins de livres en dur, plus de bobines des films, des journaux, des cassettes vidéos…).

      Nous pouvons dire qu’aucun secteur d’activité n’est épargné par la montée en puissance de l’intelligence artificielle.  Cette intelligence artificielle a  des avantages du fait qu’elle est au service de l’homme et, de ce fait, facilite l’action de l’homme dans certaines circonstances.  Elle a plusieurs avantages mais aussi des inconvénients qui touchent aux mœurs, à l’éthique qui est une discipline philosophique portant sur les jugements moraux. Cette nouvelle technologie apporte donc des nouveaux défis. Nous relevons ici quelques problèmes éthiques en crise suite à l’utilisation  de l’intelligence artificielle.

II.                Intelligence artificielle et questions éthiques.

Des éminents scientifiques alertent sur le danger que l’intelligence artificielle fait courir à l’humanité toute entière. C’est le cas de Stephen Hawking, Stuart Russell, Max Tegmark et Frank Wilczek. Pour eux, « nous atteindrons très bientôt un point de non-retour au-delà duquel nous irons inéluctablement à notre perte sans jamais pouvoir revenir en arrière. Aujourd'hui, il est temps ; demain, plus rien ne sera possible »[11]. C’est dans ce même sens que Jean-Gabriel Ganascia abonde quand il dit que « l’intelligence artificielle constitue un danger inéluctable pour l’humanité »[12]. On peut ainsi comprendre le revirement de Sébastien Vaas qui a quitté le monde du virtuel dans lequel il était pourtant bien plongé comme programmateur pour revenir à la vie réelle. Il exprime le danger du virtuel, surtout dans le domaine de l’internet, dans son livre L’enfer du virtuel. La communication naturelle pour sortir de l’isolement technologique publié aux éditions L’âge d’homme en 2009.

L’arrivée de l’intelligence artificielle et des robots fait peur : la peur de perdre notre emploi au profit d’un cyborg, la peur de voir notre langue et notre culture disparaître, la peur que l’Etat se transforme en Big Brother. C’est l’incertitude de l’avenir qui alimente ces peurs. « Nos craintes sont révélatrices de ce qui compte pour nous : besoin de sens, respect de la vie privée, environnement, langue et culture, etc. »[13].

a.       Le contrôle du comportement humain. Par l’intelligence artificielle, on veut contrôler le psychisme de l’homme. Google, par exemple, est intéressé par la maîtrise des cerveaux. On considère que la courbe du progrès sera exponentielle et non pas linéaire et qu’on peut transférer le cerveau biologique à un ordinateur. En allant plus loin, avec les nanotechnologies, on pourrait faire un travail de copier-coller en éliminant l’ADN par la transmission des nouveaux caractères génétiques (on choisirait alors des bébés sous catalogues). L’idée de l’amélioration de la capacité, de l’efficacité et du rendement intellectuel de l’homme peut nous laisser tomber dans la programmation de l’homme comme on le ferait pour toute autre machine. La crainte c’est d’enlever à l’homme sa naturalité, son inventivité pour en faire un produit de la technologie. Le danger est que progressivement des nombreuses décisions seront prises automatiquement à notre place. Ainsi un clic mal fait peut se révéler néfaste car le retour à la situation antérieure devient presqu’impossible si l’on n’est pas expert. Nous devons reconnaître la complexité de la nature de l’homme ; elle ne se réduit pas au seul organisme qu’est le cerveau. Le cerveau manipule des symboles et pas des données ; il apprend, se développe et s’auto-façonne physiquement. Alors que l’Intelligence Artificielle est numérisé, le cerveau humain ne l’est pas.

b.      L’homme n’est pas Dieu. Il doit reconnaître sa place. Jean-Gabriel Ganascia parle de la rationalité animiste qui se retrouve à côté de la rationalité scientifique. Nous pouvons penser ici au transhumanisme. Ce dernier pense que l’évolution a été jusqu’à présent le fruit du hasard et de la nécessité et que la nature a fait un travail médiocre puisque nous sommes vulnérables aux maladies. Il faudrait maintenant prendre en charge l’évolution de l’homme grâce au progrès de la technologie vers une post-humanité. L’idée c’est de changer, par la technique, la condition humaine pour : 1. Permettre un vieillissement sain (l’homme pourra décider combien de temps il veut vivre sur la terre); 2. Doter l’homme des capacités nouvelles (biologiques ou intellectuelles). On créerait ainsi un cyborg, c’est-à-dire un homme hybride entre l’homme naturel et l’Intelligence Artificielle. Il s’agit d’un homme augmenté  ou d’un homme réparé (amélioré) ; 3. Tuer la mort comme but ultime du transhumanisme.

Dans la logique du transhumanisme, l’idée c’est de créer une éternité terrestre, l’avènement d’un monde sans fin. Dans ce sens, on ne laisserait pas venir au monde des nouveaux nés présentant des déficiences et on ne laisserait pas évoluer ceux qui ont des problèmes de santé. Où commence l’augmentation et où commence la réparation (la restauration d’une fonction endommagé pour retrouver l’équilibre)? La limite est difficile à établir[14]. L’accaparement de la nature par la technique nous couperait de toute transcendance.

c.       Du point de vue écologique, Hans Jonas relevait déjà des problèmes éthiques avec l’avènement de la technologie (Cf son livre Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique). D’où ses impératifs pour une éthique du futur. La technoscience, et surtout aujourd’hui avec l’intelligence artificielle, perturbe non seulement ce qui entoure l’homme mais aussi et surtout l’agir même de l’homme.

d.      S’il est vrai que l’Intelligence Artificielle peut aider à pallier à certaines déficiences cognitives, il va sans dire que ceci peut rendre l’homme très dépendant. Pensons à la difficulté que beaucoup éprouvent pour le calcul mental même pour des petits chiffres. Il s’agit là de l’infantilisation des hommes par la diminution de la capacité de penser par eux-mêmes (la machine fait le travail) ; c’est un affaiblissement de la réflexion chez les utilisateurs. La réflexion devient une affaire des experts.

e.       Un autre problème qui vient avec l’intelligence artificielle c’est celui du chômage de milliers de citoyens dans le monde. Nous avons les robots dans plusieurs pays, surtout en occident, qui travaillent à la place de l’homme, surtout dans des grandes industries ; comme conséquence, le chômage s’installe et l’homme devient de plus en plus inutile. Le travail que dix personnes feraient en plusieurs heures, un seul robot le fait en peu de temps et de manière plus efficace. Ces machines plongent l’homme dans la paresse en lui offrant plus de temps libre. Plus l’homme est libre, plus il crée d’autres situations autour de lui ; l’homme du 21 siècle veut de plus en plus explorer le monde et dépasser son créateur en voulant, grâce à l’intelligence artificielle créer des choses extraordinaires qui, dans plusieurs cas, se retournent contre l’homme et le détruise. L’irruption du coronavirus, qui paralyse le monde aujourd’hui, est un exemple.  

f.       Nous avons le problème de l’utilisation des poupées sexuelles pour les hommes. Un tel objet sexuel, imitant le corps humain, permet de pratiquer une masturbation.  La plupart des poupées sont des mannequins représentant le corps d’une femme, et sont destinées à un public masculin. Cette pratique, on le dira jamais assez, est contre nature et contre la moralité qui estime que l’acte sexuel ne peut être consommé que par les êtres humains, hommes et femmes hormis les animaux. Le fait de fabriquer les poupées sexuelles diminuent la chance de mariage et renchérit la solitude. Or l’homme est un être social, il a besoin des autres pour son plein épanouissement et non des êtres artificiels qui ne lui procurent que des plaisirs éphémères. La socialisation devient impossible. C’est pareil pour le robot masculin à la disposition du public féminin ; ceci est contre-nature et rend les femmes tournées vers elles-mêmes.

g.      La pire des choses c’est que l’homme a tendance à attribuer à ces machines une personnalité (une âme, un esprit) en faisant comme si elles avaient des intentions, des connaissances, des émotions. En tout cas, comme le dit Ganascia, « les machines fabriquées par l’Intelligence Artificielle ne possèdent pas par elles-mêmes, la capacité de prendre le pouvoir sur l’espèce humaine et de la réduire à l’esclavage ; d’ailleurs, pour se prémunir de leurs dangers, il suffit de les débrancher »[15]. Mais cette proposition de débrancher les automates quand nous percevons le danger de notre propre perte et destruction devient sans objet si l’on considère les possibilités des automates biologiques employant des macromolécules recombinantes ou la mise en place des nanotechnologies. Nous avons déjà vu des films fictions où l’homme ne  sait plus maîtriser le robot qu’il a lui-même fabriqué. Le temps qu’il met à chercher comment détruire le monstre qu’il a créé devient aussi un temps de destruction de l’humanité. Ces fictions ne sont pas loin de devenir des réalités. Noël Imbert Bouchard nous dit que « le transhumanisme pose un problème anthropologique fondamental. Pour la première fois de son histoire, l’homme pourrait s’affranchir de sa propre nature, de son histoire, de sa culture. Au lieu de subir son évolution, il deviendrait le producteur de celle-ci jusqu’à disparaître en tant que tel. Le sommet de son évolution serait en quelque sorte d’avoir produit sa disparition. Virtualisé, il ne serait plus qu’un programme indifférencié au service d’autres programmes. Babel enfin réalisé ! »[16]

h.      Certains pensent même qu’il faut accorder une personnalité juridique à des « personnes électroniques » pour leur garantir des droits et des devoirs. C’est ce que propose par exemple Mady Delvaux, une élue européenne, au parlement européen. Elle considère que parler des droits des animaux devrait nous amener à parler des droits de la personne aux robots automates en raison de leurs facultés à prendre des décisions. Là se pose la question de la frontière de l’humanité. Cette revendication des droits des personnes électroniques se fait au nom des principes généreux d’équité et de respect de tout et de tous[17].

i.        Mansouri pense que l’usage abusif, et d’ailleurs volontairement entretenue, de l’expression « intelligence artificielle » engendre un problème de loyauté à deux niveaux : à l’égard du public, puisqu’il créé une fracture entre les attentes du public et la réalité ; et entre professionnels par le fait que certains acteurs de cette technologie en font un usage indu au détriment d’autres[18]. Aux consommateurs, grâce à un matraquage publicitaire, on fait miroiter des choses qui sont loin de la réalité ; les professionnels entre eux se livrent une lutte  acharnée pour gagner le plus de monde possible. « L’IA a généré beaucoup d’attentes irréalistes. Nous voyons quantité de business plan affublés de références au machine learning, aux réseaux neuronaux (…) très éloignées de leurs réelles capacités »[19]. Le mensonge gagne du terrain dans la publicité de l’intelligence artificielle. Dans le dialogue entre les marques et les consommateurs, ces derniers doivent être considérés comme des partenaires et non des simples cibles.

Grâce aux mégadonnées que regorge internet, le consommateur potentiel d’un produit  est connu et ciblé par l’intelligence artificielle. On voit un consommateur potentiel mais il n’est pas tenu compte par exemple de ses capacités psychiques, de ses antécédents judiciaires ; ce n’est pas un partenaire mais plutôt une cible plus ou moins consciente des traitements effectués de ses propres données.

C’est pourquoi, comme le dit Mansouri, « pour éviter les dérives (…), il faut dès à présent encourager l’établissement de lignes directrices qui permettraient d’éviter ce type de ciblage malheureux »[20].

        J. L’Intelligence Artificielle pose le problème des libertés individuelles. Le stockage en ligne des informations sensibles pose des sérieuses questions du respect de la vie privée et même de la sécurité. Digitalis est un pays merveilleux mais qui pose le problème de la vie privée. On veut contrôler tous les faits et gestes de l’ensemble des citoyens. Pour les défenseurs de l’IA, il s’agit là d’une crainte inutile. Mais ils concèdent qu’il faut mettre en place une réglementation stricte et efficace pour la protection de la vie privée. L’IA est une technologie capable d’accomplir des tâches humaines grâce à des algorithmes. Mais il faut donner à ces algorithmes des informations de qualité (par exemple en ce qui concerne l’interprétation d’images) pour obtenir des résultats de qualité. Certains innocents se sont retrouvés en prison alors que les vrais criminels se la coulent douce. C’est dans ce sens que la recommandation de l’UNESCO interdit de la notation sociale et de la surveillance de masse parce qu’on considère que ces technologies sont très invasives et portent atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.           

Conclusion

      L’intelligence artificielle fait partie de notre vie quotidienne, chez nous et au travail. Elle se cache dans nos Smartphones, nos ordinateurs et nos objets connectés pour, certes, nous simplifier la vie. Avec nos téléphones portatifs, notamment avec l’utilisation des réseaux sociaux, toutes les mœurs morales sont foulées aux pieds ; tout est devenu relatif et normal : les images obscènes, les vidéos pornographiques, la médisance, les fausses informations sont devenues très virales sur la toile publique…

      La digitalisation a un impact sur tout et tout le monde. Mais il ne fait l’ombre d’aucun doute que ce sont les êtres humains qui sont à l’origine de la mise en place des combinaisons algorithmiques aboutissant à ce que nous appelons, à tort ou à raison, Intelligence Artificielle. Il y va de leur responsabilité « d’en conserver le contrôle, d’en garantir la transparence algorithmique, de traiter de manière responsable les données qui lui sont injectées »[21]. Il faut donc apprivoiser la technologie. C’est dans ce sens qu’abonde Thierry Geerts : « En soi, les technologies sont neutres. Elles offrent des opportunités, mais recèlent aussi des dangers. C’est la manière dont nous les utilisons, dont nous nous informons, dont nous dépassons nos peurs et même dont nous prenons notre vie en main qui fait la différence »[22]. Une chose est sûre : la technologie de l’Intelligence Artificielle n’a pas la capacité de jugement ni un esprit critique ; les algorithmes ne remplacent pas les humains. Malgré l’évolution de l’Intelligence artificielle, il reste tout de même des spécificités humaines que la technologie ne pourra pas enlever à l’homme : la créativité, l’empathie, la contextualisation.

      Terminons notre propos en soulignant avec l’UNESCO que l’Intelligence Artificielle a prouvé sa grande capacité à faire le bien. Cependant, il faut contrôler ses effets négatifs. Les avancées dans ce domaine doivent respecter l’état de droit. D’où notre insistance sur notre sens de responsabilité pour un bien vivre ensemble harmonieux.

                                                                                                                   

Prof. OKEY WILLY, cp

Professeur Ordinaire

Usakin



[1] J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, Paris, Cavalier Bleu, 2017. (Idées reçues).  Texte en ligne consulté le 24 Novembre 2021.

[2] Ibid.

[3][3] J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, op.cit.

[4] Ibid.

[5] M. MANSOURI, « L’intelligence artificielle et la publicité : quelle éthique ? » in Enjeux numériques, n.1 (Mars 2018, p.58. 

[6] J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, op.cit.

[7] M. MANSOURI, « L’intelligence artificielle et la publicité : quelle éthique ? », op.cit., p.53.

[8] Ibid., p.57.

[9] T. GEERTS, Homo digitalis. Comment la digitalisation nous rend plus humains, s.l.., Lannoo, p. 13.

[10] Cf. T. GEERTS, Homo digitalis, op.cit., p. 112 – 114.

[11]M. MANSOURI, « L’intelligence artificielle et la publicité : quelle éthique ? », op.cit., p. 53.

[12] J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, op.cit.

[13] T. GEERTS, Homo digitalis, op.cit., p. 13.

[14] On peut suivre avec intérêt la conférence de Noël Imbert BOUCHARD, Le transhumanisme et les spiritualités sur YouTube.

[15] J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, op.cit.

[16] N. IMBERT-BOUCHARD, « Penser le transhumanisme est un impératif » in www.fede.education visité le 3 décembre 2021.

[17] Cf. J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers une domination programmée ?, op.cit.

[18] Cf. M. MANSOURI, « L’intelligence artificielle et la publicité… », op.cit., p. 54.

[19] Ibid.

[20] Ibid., p.56.

[21] M. MANSOURI, L’intelligence artificielle et la publicité, op.cit., p. 58.

[22] T. GEERTS, Homo digitalis, op. cit., p. 13.

dimanche 2 janvier 2022

Espace public et Résolution des conflits. Cas de la République Démocratique du Congo

 ESPACE PUBLIC ET RESOLUTION DES CONFLITS.

Cas de la RC CONGO.

      L’espace public comme lieu d’apparence devrait permettre l’avènement d’une société plus juste, plus humaine où chacun se sentirait contribuable du dessein de la communauté des partenaires dont il fait membre. Puisque l’espace public est un espace politique, la présence et l’agir de chaque membre est une participation à la communauté politique. Les différents problèmes de la communauté tournent souvent autour du bien-être social de ses membres. L’Afrique en général, et la RD Congo en particulier, vit l’ère de la démocratie. Mais dans le quotidien des africains et des congolais, il s’agit plus d’une démocratie chantée plutôt que vécue. Notre continent se retrouve dans des conflits de plusieurs ordres qui endeuillent des nombreuses familles. La cause c’est souvent l’arrogance insupportable de ses dirigeants qui préfèrent les biceps à la rationalité, l’argument de la force plutôt que la force de l’argument, être des politiciens que des hommes d’Etat.

      Tous se rendent compte que les conflits engendrent des crises récurrentes qui aboutissent parfois à la prise des armes pour défendre des droits que l’on considère bafoués par ceux qui sont supposés les garantir. Ce sont alors des dialogues qui sont organisés pour résoudre ces différents conflits. Et pourtant les résolutions de ces différents conflits deviennent occasions d’autres conflits. On passe ainsi des conflits en conflits. Pourquoi ces différents dialogues restent inopérationnels ? Comment faut-il dialoguer ? Que doit-on viser dans un dialogue pour que les résolutions aient des effets escomptés ? Ce sont autant des questions qui vont occuper notre propos. Nous pensons que les idées d’Habermas pourront constituer une piste de solution au problème de résolutions des conflits en Afrique. Il s’agira, grâce à ses idées, de rechercher les conditions de possibilités minimales de compréhension mutuelle des hommes et femmes en situation d’échange verbal.

1.      L’espace public

L’espace public « constitue une structure intermédiaire qui fait figure de médiateur entre, d’un côté, le système politique et, de l’autre, les secteurs privés du monde vécu et les systèmes d’action fonctionnellement spécifiés »[1]. Il y a donc deux facettes : le système et le monde vécu. Le premier ne se préoccupe pas des réalités du monde vécu, tandis que le second se voit victime de multiples impositions du premier par le fait que considéré comme simple caisse de résonnance pouvant répercuter les problèmes dont les solutions ne pourront provenir, en dernier essor, que du système. C’est dans le monde vécu que se voit vraiment ancré l’espace public politique. « L’espace public est un système d’alerte doté d’antennes peu spécifiques mais sensibles à l’échelle de la société dans son ensemble »[2]. Autrement dit, non seulement l’espace public avertit et fait savoir aux acteurs du système politique les réalités qui concernent la vie et la bonne marche de la société, mais il a aussi pour tâche la problématisation efficace des faits. En démocratie, l’espace public a un pouvoir de pression ; c’est-à-dire qu’il renforce la pression qu’exercent les problèmes eux-mêmes tout en les formulant de manière convaincante et influente, les appuyant par des contributions des membres, les dramatisant en vue d’être repris et traités par les représentants du peuple.

L’espace public ne doit pas être considéré comme une institution ou un système au sens strict du terme. Ici, il n’y a pas un caractère normatif avec différenciation des compétences et des rôles. Aucun membre n’y est affilié par une quelconque réglementation. C’est, pour utiliser le langage de Hannah Arendt, le lieu d’apparence ; il est « un réseau permettant de communiquer des contenus et des prises de position, et donc des opinions »[3]. Ces dernières montrent l’importance de la parole et de la discussion. Tout commence au niveau individuel avant un regroupement de ces opinions en fonction d’un thème spécifique. C’est après filtrage et synthétisation que les opinions revêtent un caractère public ; alors elles deviennent des « opinions focalisées » parce qu’elles jouissent en ce moment précis du consentement de tous et finissent par être transférées aux organismes parlementaires. Certaines opinions prennent le dessus sur les autres par la persuasion (la force de l’argument et non l’argument de la force). L’espace public peut alors être défini comme un espace social engendré par l’activité communicationnelle orientant vers l’entente.

L’espace public comme lieu d’apparence ne vise nullement l’instauration des classes sociales mais plutôt l’entente sociale et le bien-être collectif ; l’accent n’est pas mis sur la hiérarchie, les fonctions ou encore sur la spécialisation. D’où la condition de la « connaissance d’une langue naturelle » comme moyen de participation à l’espace public. Cette connaissance permet l’accès à tous. La force  sociale de la parole réside dans l’intercompréhension, c’est-à-dire dans la compréhension de l’individu par les autres individus et sa contribution au bien-être de tous. L’espace public est donc un espace intersubjectivement partagé. De lui naissent des relations interpersonnelles caractérisées par une « situation idéale de parole »[4].

2.      La communication

      Le langage a pour finalité la communication. Et la communication, chez Habermas, est essentiellement « intercompréhension » portant au « consensus ». Il s’agit d’un agir libre et rationnel. La rationalité du langage peut jouer un rôle unificateur, selon que cette rationalité est stratégique (instrumentale) ou communicationnelle. Comme le mot l’indique, la rationalité stratégique vise le contrôle efficace de la réalité ; l’interlocuteur ne sert que de moyen en vue d’une fin visée par le locuteur. La rationalité communicationnelle, quant à elle, est une relation intersubjective mise en place par des sujets qui parlent et agissent dans une attitude d’intercompréhension. Il s’agit ainsi de la capacité qu’a le sujet « d’orienter son action selon les prétentions à la validité intersubjectivement reconnues »[5]. Il nous faut ici insister sur l’aspect dialogique (et non monologique) ; il y a une reconnaissance intersubjective. Le consensus est la condition sine qua non de la prétention à la validité d’un énoncé (que cet énoncé soit de type cognitif, c’est-à-dire ayant trait au monde naturel des choses ; de type normatif, c’est-à-dire lié au monde social de l’intersubjectivité ; ou encore de type expressif, c’est-à-dire lié au monde subjectif de chaque individu). Les membres d’une société agissent et communiquent entr’eux par l’intermédiaire d’un langage naturel à partir duquel ils se mettent à interpréter selon leur culture et à se réfèrent en même temps à chaque chose dans le monde objectif, dans leur monde social, et dans chaque monde subjectif propre. Puisque dialogique, la rationalité est aussi procédurale, c’est-à-dire faillible et perfectible. C’est dans la discussion que les partenaires peuvent traiter les incohérences, les contradictions. La compréhension est la préoccupation principale de toute communication interhumaine en vue d’une entente. Quand elle est viciée, elle déclenche des incompréhensions qui peuvent aboutir à des conflits ; ce qui mettrait en mal toute entente durable entre les membres de la communauté. Habermas et ses amis de l’école de Francfort ont cherché à élaborer les normes pouvant permettre d’arriver à une communication satisfaisante.

2.1. Ethique de la discussion

      Discussion, dialogue et conversation ont tous un caractère dialogique mais ne peuvent pas être perçus de la même manière. Les deux derniers éléments diffèrent du premier par le fait que celui-ci impose un recours à l’argumentation et définit un cadre de justification tandis qu’il n’en est pas le cas pour le dialogue et la conversation. Il est évident que la discussion est une forme de communication ; elle est une activité communicationnelle recherchant la restauration d’une entente. Même si la discussion peut prendre les allures d’un dialogue, elle n’intervient que là où la communication a été rompue ; d’où l’idée de la restauration. Les participants à la discussion, par la pratique de l’argumentation cherchent à se convaincre les uns les autres par leurs opinions. Chaque participant cherche, par la persuasion, à convaincre les autres (ou l’autre) par la force de ses arguments. Ceux-ci sont « ces moyens à l’aide desquels la reconnaissance intersubjective de la prétention à la validité élevée à titre hypothétique par le proposant peut être amenée et par là, l’opinion transformée en connaissance »[6].

      Il sied de noter que « l’éthique de la discussion ne fournit pas d’orientations concrètes, mais offre une procédure, (…), qui doit garantir l’impartialité de la formation du jugement »[7]. Il ne s’agit pas de produire des normes mais de tester la validité des normes examinées à titre hypothéthique. Pour obtenir une situation idéale de parole, et donc de discussion, il faut observer deux règles systémiques (principe d’universalisation, principe « U » et principe de la discussion, principe « D ») et deux règles dialogiques (condition de symétrie et condition de réciprocité)[8]. L’observance et le respect de ces quatre règles par les participants à la discussion aboutissent à l’entente, à l’intercompréhension.

      Le premier principe (U) vise l’instauration de l’entente mutuelle en prévoyant la validité des normes car les sujets en dialogue sont à la quête d’un accord. La fin visée c’est le consensus. Dans la discussion, on devrait penser au respect mutuel entre les interlocuteurs. Ces derniers doivent chercher à se comprendre et progresser dans la discussion sans tenir compte de leurs différences sociales. Les différents acteurs doivent respecter toutes les normes. Kant, avec son impératif du devoir, a tout son sens dans cette notion de l’universalité. On suppose que chaque participant dans la discussion est un sujet rationnel et moral. Sa maxime doit devenir une loi universelle. Une norme, pour être valide, doit être acceptée sans contrainte par tous les individus concernés. Il faudrait cependant relever que la morale kantienne est monologique tandis que celle de Habermas est dialogique. Dans ce sens, l’universalité d’un point de vue se dessine à partir du moment où toutes les personnes concernées manifestent un intérêt commun et peuvent s’attendre à une adhésion générale et gagner une reconnaissance intersubjective. C’est pourquoi, pour Habermas, « au lieu d’imposer à tous les autres une maxime dont je veux qu’elle soit une loi universelle, je dois soumettre ma maxime à tous les autres afin d’examiner par la discussion, sa prétention à l’universalité »[9].

      Dans l’éthique de la discussion, c’est la force des meilleurs arguments pouvant amener à l’entente des participants à la discussion qui doit avoir le dessus sur l’argument de la force. Il faudrait combattre avec la dernière énergie toute tendance à se considérer supérieurs aux autres participants à la discussion. L’espace public, lieu de la discussion, est un espace des pairs, c’est-à-dire des égaux. Il y a là une reconnaissance intersubjective. Nous pouvons dire que par la rationalité procédurale, les participants à la discussion vise la reconstruction d’une intersubjectivité intacte rendant possible l’accord libre, sans contrainte, entre les individus en présence s’accordant librement avec eux-mêmes. C’est la discursivité qui fait aboutir à un accord intersubjectif basé sur la prétention à la validité des arguments grâce à la description objective, l’acceptabilité morale et l’authenticité des opinions et convictions. Comme le dit Habermas, « chaque consensus repose sur une reconnaissance intersubjective des prétentions critiquables à la validité ; et par là même il est présupposé que ceux qui agissent communicationnellement sont capables de critique réciproque »[10]. Toutes les personnes concernées s’accordent sur les normes relatives à la décision prise. L’intercompréhension est la résultante de la communication.

      Le consensus est différent du compromis en ce que le premier est un accord entre les partenaires sans préalable tandis que le second est le fruit d’une négociation passant par des concessions mutuelles. Le consensus met l’accent sur la validité de l’opinion découlant de la majorité alors que le compromis oblige la concession de quelque chose ; il y a des contreparties, des concessions mesurées. Le consensus est parfois un travail de longue haleine car il entend prendre en compte toutes les meilleures idées. Le principe de la discussion ou principe « D » voudrait que toutes les personnes concernées participent à la discussion. « Seules peuvent prétendre à la validité les normes qui pourraient trouver l’accord de tous les concernés en tant qu’ils participent à une discussion pratique »[11]. Le principe de la discussion règle les discussions normatives où l’importance est accordée à la liberté de parole (l’isegoria de la démocratie athénienne) et à la spontanéité du comportement. Sans un engagement des participants à ce principe de la discussion, une véritable communication serait un leurre car chacun camperait sur ses positions – même les plus indéfendables. Le principe « D » présuppose que le choix des normes est justifiable. Est rationnel tout argument qui est discursivement fondé et critiqué. C’est pourquoi il faut exclure de la sphère de la rationalité les activités langagières comme les expressions des émotions, des sentiments, des langages stratégiques… Nous pouvons penser à 4 exigences d’une bonne communication :

-         Exigence d’intelligibilité : les participants ont le devoir d’utiliser une expression intelligible pour le locuteur et pour l’auditeur ; c’est dire qu’ils doivent rendre intelligible ce qu’ils disent.

-         Exigence de vérité : Il faudrait établir les faits, se référer à la vérité établie.

-         Exigence de justesse : il s’agit de la justesse de ce que l’on dit

-         Exigence de sincérité : la sincérité des partenaires. Cela implique un ensemble des valeurs morales à posséder. C’est la sincérité des partenaires qui les mettra en confiance ; il faut s’exprimer de façon sincère pour que l’interlocuteur croie à l’énonciation.

 

2.2.Les conditions de réciprocité

      En s’engageant dans la discussion, il est normal que chaque participant s’attende à être traité en égal et donc de disposer de la possibilité d’exprimer ses opinions et sentiments sans être frustré par les autres qui le considéreraient inférieur. Puisqu’égaux, chaque participant a la chance de commander et d’opposer, de rendre compte et de demander des comptes. Dans l’agir communicationnel, un participant peut faire qu’un autre participant prolonge une interaction dans le sens désiré. C’est pourquoi il y a un lien entre le langage, l’intercompréhension et la raison communicationnelle.

2.3.Les conditions de symétrie

     Puisque discuter signifie entrer dans une argumentation, les participants doivent avoir un droit égal d’intervention. Chacun des participants peut initier ou continuer la communication. La discussion consiste à donner à chaque participant l’opportunité de présenter ses arguments comme étant solides, défiant tout argument contraire. C’est le sens de la prétention à la validité. Il revient aux autres participants à la discussion d’avancer des arguments détruisant ceux qui viennent d’être avancés. Tout se fait sans contrainte. La persuasion ou la force des arguments est le maître mot. Les participants à l’argumentation présupposent que la structure de leur communication exclut toute contrainte. Pour cela, il faudrait un cadre conceptuel qui permette de prendre en compte le phénomène de contrainte non contraignante de meilleur argument. L’argumentation c’est « le type de discours où les parties prenantes thématisent des prétentions à la validité qui font l’objet de litiges, et tentent de les admettre ou de les critiquer au moyen d’arguments »[12].

 

3.      La RD Congo et ses échecs dans la résolution des conflits

      Grâce au langage et à la communication intersubjective, les hommes peuvent trouver des solutions aux différents problèmes qui mettent en mal la quiétude de l’espace public. Les moments de discussion deviennent des lieux convenables d’élaboration des lois visant les intérêts de toutes les parties prenantes. Les africains parlent de l’arbre à palabre comme lieu de la discussion et d’une communication rationnelle. L’on reconnait le bien fondé des raisons d’un argument dans sa capacité à convaincre sans contrainte (physique et morale) les participants à la discussion. C’est la rationalité de la communication qui impose sa loi. Par rationalité communicationnelle, nous entendons une force sans violence du discours argumentatif qui permet de réaliser l’entente et de susciter le consensus. Un argument rationnel est un argument prêt à être critiqué et réexaminé. Pourquoi les différents dialogues entrepris en RD Congo n’aboutissent pas à des résultats escomptés ? Peut-on vraiment parler de discussions lors de ces différentes tentatives de résolutions des conflits ? C’est à ces interrogations que nous voulons tenter de répondre ici.

      Quand les gens se mettent ensemble pour discuter de la situation du pays, il y a une prise de conscience que la communication est perturbée et qu’il y a nécessité de restaurer l’ambiance d’une vie bonne ensemble comme congolais. Habermas considère qu’il faut une situation idéale de parole ou de communication comme point de départ pour engager une discussion. Sans cette condition, la discussion se déroulera sur des mauvaises bases et l’issue ne sera que décevante. Pour que la discussion se déroule dans un cadre serein et idéal de communication, il faudrait exclure toutes les actions extérieures contingentes et des contraintes inhérentes à la structure de la communication. La validité des arguments dépendra de la vérité, la pertinence et l’authenticité de ceux-ci. Dans une telle situation, non seulement les participants exercent leur totale liberté dans la discussion mais les questions sont aussi évaluées en toute impartialité, sans pressions extérieures. La liberté des participants est le socle d’une discussion sincère, juste, vraie et intelligible.

      Si nous considérons la société, dans la perspective habermassienne, comme « système » et « monde vécu », le vrai lieu de l’interaction communicationnelle est celui du monde vécu. Car le système est le lieu de la concurrence en vue de la poursuite, grâce à des actions stratégiques, des fins individuelles ; dans le système, le fonctionnement échappe à la volonté des acteurs car tout est régulé par l’administration (pouvoir politique) et l’argent (pouvoir économique). Les deux sont des pièces maîtresses auxquelles toute résistance de l’intérieur du système est difficile à réaliser. Les membres d’une société ne peuvent vraiment se retrouver participants de leur vie en société que dans le « monde vécu », cet espace public de l’agir communicationnel. C’est dans le monde vécu que les acteurs discutent entre eux et parviennent, grâce à la discussion, à des ententes sur les fins qu’ils ont à poursuivre collectivement.

      Aucune société ne peut être envisagée comme exempte de tout conflit, de toute divergence. Il faut appréhender « le monde vécu » comme un cadre permettant le dépassement des conflits par la discussion rationnelle et communicationnelle. Les conflits sont des dissensus, des mésententes provisoires qui amènent au renouvellement de la société quand les pairs arrivent à l’entente rationnelle par le moyen de l’agir communicationnel. Le « monde vécu », lieu de l’existence collective, est aussi le lieu de la perception de la formulation des problèmes affectant la société dans son ensemble. La communication dans l’espace public se concrétise sous forme de discussion publique pour un bon vivre ensemble car cet espace n’est pas le monde des irréfléchis mais des rationnels qui agissent et délibèrent de leur vécu quotidien. C’est tout le sens de la démocratie délibérative. Toute décision politique est le résultat d’une procédure basée sur un échange argumentatif, une discussion en dehors d’une approche stratégique. Dans ce sens, l’opinion publique, loin d’être dépourvue de rationalité, est un moment décisif de la délibération. C’est au terme d’un long processus de délibération que l’on peut parler d’une décision politique légitime.

      La discussion publique, dans une démocratie délibérative (ou représentative au niveau du Parlement), a le mérite de préserver la société de la violence inhérente à la vie politique. Sans cette discussion publique, le risque de retomber dans les régimes totalitaires est grand. Comme le pense Habermas, les participants à la discussion, malgré leur nombre, peuvent aboutir à un consensus s’il y a communication et intercompréhension. Par consensus, il faudrait entendre un accord explicite ou implicite des individus sur les valeurs essentielles de leur société et leur volonté de résoudre les conflits susceptibles de les opposer, par la délibération, dans le seul but de laisser triompher ce qui est commun en lieu et place de ce qui divise. « L’entente réalisée discursivement dépend simultanément du ‘oui’ ou du ‘non’ insubstituable de tout un chacun, et du dépassement de sa perspective égocentrique »[13]. C’est pourquoi le consensus repose sur la reconnaissance de prétentions critiquables à la validité. Personne n’a le monopole de la vérité ; tout argument doit passer au crible de la critique des personnes impliquées dans la discussion. Ce n’est pas le sujet lui-même qui détermine la vérité de son argument mais l’accord et la reconnaissance des participants. Chaque participant doit montrer une attitude d’humilité.

      Le consensus est un accord rationnellement motivé ; c’est l’apport de plusieurs opinions divergentes et leur adaptation progressive, par un processus discursif, jusqu’au dégagement d’une solution satisfaisante pour le plus grand nombre des personnes impliquées. Le consensus est une force sans contrainte, il amène les acteurs à considérer que le résultat est acceptable par la majorité – même si tout le monde n’est pas satisfait du résultat – et qu’il est le résultat d’un processus de délibération où chacun est impliqué dans la prise de décision. « La rationalité impliquée dans cette pratique s’avère dans le fait qu’un accord obtenu communicationnellement doit ultimement s’appuyer sur des raisons »[14] Il est le fruit de toutes les meilleures idées et volontés car au terme du processus d’élagage des différentes opinions, on peut brandir la justesse de l’opinion acceptée. Tout l’effort dans l’atteinte du consensus c’est de minimiser le risque de conflit qui peut surgir dans la société ou de le résoudre s’il a déjà éclaté. La validité de l’argument retenu ressort de sa vérité, sa pertinence et son authenticité ; « dans les argumentations, les participants doivent partir du fait qu’en principe tous les concernés prennent part, libres et égaux, à une recherche coopérative de la vérité dans laquelle seule peut valoir la force sans contrainte du meilleur argument »[15]. La discussion est ainsi une forme de communication plus exigeante en ce qu’aucun participant ne peut se soustraire parce que tous sont capables de parler et d’agir pour résoudre, le cas échéant, les différents conflits qui peuvent surgir dans la société. Dans la discussion, les participants doivent viser l’intercompréhension et doivent résister à toute tentation à la violence car la déformation et la manipulation guettent constamment la formation de l’opinion publique.

      L’éthique de la discussion postule une communauté des participants libres, sincères et égaux dans une situation idéale de parole où la contrainte et la manipulation sont à écarter. Dans une telle situation, chacun des participants se sent valorisé et considère que ses points de vue sont pris en considération par les autres partenaires à la discussion. Cette dernière se fait dans une ouverture sincère des uns aux autres. Dans ce sens, le consensus se trouve être l’antidote des problèmes socio-politiques découlant de l’agir communicationnel. « Ce qui règne en règle générale, c’est la grisaille des situations à mi-chemin entre, d’une part, l’incompréhension et la méprise, entre le manque de sincérité volontaire et involontaire, entre le désaccord masqué et ouvert et, de l’autre, entre l’accord préalable et l’entente réalisée »[16].

      Comme toute autre société moderne, la société congolaise est caractérisée aussi par la compétition ; elle met en tension les citoyens à travers la parole, le travail et les échanges. Tout devient alors stratégique en lieu et place d’un agir communicationnel véritable. Pendant les différentes discussions de résolution des conflits, il s’avère clairement qu’au lieu d’une rationalité communicationnelle, les participants sont plutôt dans la logique d’une rationalité instrumentale ou stratégique qui met en avant plan les intérêts égoïstes ; les contractants ou les participants à la discussion s’engagent avec des clauses secrètes de retrait, qu’on pourrait qualifier à juste titre de réserve criminelle, qu’ils feront jouer lorsqu’ils considéreront le contrat comme étant contraire à leurs intérêts du départ. Le contrat est rompu dès qu’un participant considère qu’il ne convient plus à son intérêt. Tout soupçon dans les clauses du contrat issu de la discussion devient une occasion favorable de rupture.

      L’éthique de la discussion est une théorie discursive qui voudrait que les participants s’en tiennent à une certaine normativité pour résoudre de façon consensuelle les conflits d’action. D’où la nécessité de la sincérité des participants, la vérité de ce qu’ils disent et l’authenticité de leurs propos. Cela implique en plus une éthique de la responsabilité pour une orientation plus sûre dans l’application du consensus. On ne peut pas se contenter de l’aboutissement à une bonne fin, celle d’une théorie délibérative du droit et de la démocratie qui nous propose un modèle de fonctionnement démocratique ; une bonne discussion amenant au consensus doit avoir pour socle une éthique de la responsabilité fondée sur une rationalité communicationnelle et non stratégique. C’est dans une rationalité communicationnelle que le locuteur s’auto-comprend et comprend les autres dans leurs singularités. Aboutir au consensus dans l’espace public ne signifie pas oublier les jeux de pouvoir fondés sur les intérêts des participants, mais c’est surtout mettre l’accent sur les opportunités qu’offre le vivre-ensemble de l’espace public comme lieu d’apparence et de prise de parole.

      Ce qui est visé dans la discussion, dans l’acte de parole, c’est l’intercompréhension. C’est pourquoi nous pouvons dire que l’éthique de la discussion se propose d’atteindre le consensus sans imposition mais grâce à la persuasion de l’argument pouvant défendre plus plausiblement sa validité devant tous les participants à la discussion. Le problème dans nos discussions c’est bien souvent l’inadéquation entre ce que l’on pense, ce que l’on dit et ce que l’on fait. Les discussions commencent sur des fausses prémisses, la conclusion ne peut être qu’incertaine.

      CONCLUSION

      Le monde dans lequel nous vivons est un monde que nous partageons avec les autres êtres humains ; chacun voudrait jouir de cet espace public. L’espace public comme lieu d’apparence et de prise de parole c’est le lieu de la pluralité, de l’inter-esse. Dans cet espace de pluralité les conflits sont inévitables. C’est pourquoi, par son agir communicationnel, l’homme est à mesure de chercher à résoudre les différends qui surgissent dans sa relation avec les autres. C’est dans l’effort de résolution des conflits que la discussion avec les partenaires de l’espace public s’avère indispensable. Mais la discussion ne se fait pas de n’importe quel manière ; il y a une éthique de la discussion tel que nous la propose Habermas (et Karl Otto Appel).

      Quand les gens agissent et prennent la parole, l’idée c’est d’aboutir à l’intercompréhension grâce à un consensus trouvé entre les participants à la discussion. Le consensus est le fruit d’une rationalité communicationnelle qui ressort de la validité d’un argument non imposé aux membres mais accepté par les participants au terme d’une rationalité discursive. Ceci exige des participants une normativité de sincérité, de vérité, d’intelligibilité, de justesse et d’authenticité lors de la discussion.

      Nous voulions savoir pourquoi les différents forums tenus pour la résolution des différents conflits en RD Congo sont des fiascos. Après analyse, nous sommes convaincus que l’échec de toutes ces discussions est prévisible dès le départ parce que la rationalité stratégique ou instrumentale basée sur les intérêts égoïstes ne laisse aucune chance à la rationalité communicationnelle visant un vrai bien-vivre-ensemble dans une intercompréhension des membres de la société. « A la différence de la ‘représentation’ ou de la ‘connaissance’, l’ ‘intercompréhension’ a besoin de l’adjonction ‘sans contrainte’, parce que l’expression doit être employée dans le sens d’un concept normatif. Du point de vue du participant, l’ ‘intercompréhension’ ne signifie pas un procès empirique qui causerait un accord factuel, mais un processus de persuasion réciproque, qui coordonne les actions de plusieurs parties prenantes sur le fondement d’une motivation par des raisons. Intercompréhension signifie communication en vue d’un accord valide »[17] L’argument de la force (ou argument du plus fort) remplace la force de l’argument passé au crible de l’épreuve de la validité. Quand les intérêts défendus ne sont plus perçus tout au long du parcours, ce sont des voltefaces. La conséquence est la remise en question des discussions précédentes et le retour à la case de départ et la reprise des nouvelles discussions dont les issues sont douteuses tant que le problème de la responsabilité dans l’éthique de la discussion n’est pas résolu. Une vraie discussion visant l’intercompréhension grâce au consensus obtenu doit être fondée sur la sincérité, la pertinence, la vérité et l’authenticité. Pour reprendre le langage habermassien, l’éthique de la discussion mènera la RD Congo vers la résolution de ses multiples conflits si et seulement si les participants arrivent à considérer le principe d’universalité (la norme doit viser la satisfaction des intérêts de tout un chacun) et le principe de discussion (la validité de la norme dépend de l’accord de tous les concernés participant à la discussion).

Prof. Dr. Okey Mukolmen Willy

Professeur des Universités



[1] J. HABERMAS, Droit et démocratie. Entre faits et normes. Traductionde R. ROCHLITZ et C. BOUCHINDHOMME, Paris, Gallimard, 1997, p.401.

[2] Ibid., p.386.

[3] J. HABERMAS, Droit et démocratie, op.cit., p.387.

[4] Ibid.

[5] IDEM, Théorie de l’agir communicationnel, t1. Rationnalité de l’agir et rationalisation de la société. Traduction de Jean-Marc FERRY, Paris, Fayard, 1987, p.31.

[6] J. HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel. T.1. op. cit., p.42.

[7] IDEM, Morale et communication. Conscience morale et activité communicationnelle. Traduit de l’Allemand par Christian BOUCHIDHOMME, Paris, Cerf, 1988, p.137.

[8] Cf. ibid., p.86 – 87.

[9] J. HABERMAS, Morale et communication, op.cit., p.88.

[10] IDEM, Théorie de l’agir communicationnel, t.1, op.cit., p.135.

[11] IDEM, De l’éthique de la discussion. Traduit de l’allemand par Mark HUNYADI, Paris, Cerf, 1992, p.17.

[12] J. HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel, t.1, op.cit., p.34.

[13] J. HABERMAS, De l’éthique de la discussion, op.cit., p.23.

[14] IDEM, Théorie de l’agir communicationnel, t.1, op.cit., p.34.

[15] J. HABERMAS, De l’éthique de la discussion, op.cit., p.18-19.

[16] IDEM, Logique des sciences sociales et autres essais. Traduction de R. ROCHLITZ, Paris, P.U.F, 1987, p.332.

[17] J. HABERMAS, Théorie del’agir communicationnel, t.2. Pour une critique de la raison fonctionnaliste.         Traduction de Jean-Louis SCHLEGEL, Paris, Fayard, 1987, p. 395-396.