INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE ET QUESTIONS ETHIQUES
Nous
sommes tous citoyens de Digitalis, le
pays qui compte plus de quatre milliards d’habitants. Tous nous sommes
embarqués, sans notre consentement, dans ce pays de la digitalisation. L’homme
serait ainsi appelé à la progression vers des choses plus grandes, à dominer
sur les choses et, on se rend compte, sur l’homme lui-même. Le souci est celui
de rendre notre vie sur terre plus aisée. Ce souci d’améliorer les conditions
de vie, qui anime l’homme de tout temps, entraîne avec lui des problèmes
éthiques sur l’agir de l’homme car une telle ambition peut se révéler
dangereuse à certains égards. La neutralité de la technoscience en matière de
moralité des actes humains pose donc problème. L’homme se retrouve pris au
piège entre la fascination pour un nouveau mode d’être qu’apporte la
technologie et la peur de la fin de l’Humanité qui pourrait en résulter.
Avec l’avancée de la technoscience, le naturel et l’artificiel se côtoient. Des questions se posent alors du point de vue juridique, du point de vue éthique, du point de vue économique, du point de vue éducationnel… Autrement dit, la révolution technologique bouleverse notre quotidien sur tous les plans, Nous sommes submergés au plan moral, politique, juridique, comportemental, et j’en passe.
Devant l’inéluctabilité du développement de
l’intelligence artificielle, 193 Etats viennent de mettre en place un cadre
juridique, propice à un déploiement sain de la technologie, en signant le 25
Novembre 2021 un accord de recommandation sur l’éthique de l’IA. A l’occasion
de cette signature, Audrey Azoulay, la Directrice générale de l’UNESCO, déclarait
que « le monde a besoin de règles pour
que l’intelligence artificielle profite à l’humanité et la Recommandation sur
l’éthique de l’IA est une réponse forte ».
Notre
propos, comme l’indique si bien notre intitulé, retiendra l’aspect éthique de
ce mariage entre l’homme et l’intelligence artificielle. Une société sans
normes devient une société dangereuse et peut conduire à son autodestruction.
C’est pourquoi le recours à l’éthique s’avère une nécessité, car, pour
paraphraser le titre d’un de mes articles, nous devons nous ouvrir à
l’intelligence artificielle pour ne pas mourir. Mais à quel prix ?
Nous
articulerons notre texte autour de deux thèmes : dans un premier temps
nous parlerons de l’Intelligence Artificielle et, dans un second moment, nous
aborderons quelques problèmes éthiques que pose cette intelligence.
I.
L’intelligence
Artificielle
Le
terme Intelligence Artificielle (IA) est une invention, en
1956, de John McCarthy, Marwin Minsky, Nicolas Rochester et Claude Shannon de
Darmouth College dans le New Hampshire (Etats Unis). Pour eux, et encore
aujourd’hui, cette expression est employée « pour désigner la discipline
informatique qui vise à fabriquer des machines simulant une à une les
différentes fonctions de l’intelligence »[1] ;
autrement dit, cette terminologie désigne les sciences et les technologies qui
permettent de simuler l’intelligence humaine au moyen des machines. On part du
principe selon lequel « toutes les facultés cognitives, en particulier le
raisonnement, le calcul, la perception, la mémorisation, voire même la
découverte scientifique ou la créativité artistique, pourraient être décrites
avec une précision telle qu’elle devrait être possible de les reproduire à
l’aide d’un ordinateur »[2].
Dans le langage courant, l’intelligence artificielle comprend les dispositifs imitant ou remplaçant l’homme dans
certaines mises en œuvre de ses fonctions cognitives.
Il
faut cependant signaler que c’est déjà en 1936 qu’Alan Turing a inventé cette
intelligence par le pont qu’il établit entre une formalisation mathématique du
calcul et les automates à états finis (les ordinateurs). « L’intelligence artificielle
ne vise aucunement à destituer l’homme de son privilège de penser, pour lui
substituer une machine pensante. Elle ne bâtit que des théâtres imaginaires, où
se meuvent des personnages chimériques dotés d’aptitudes partielles. Elle n’est
qu’une intelligence fabriquée au moyen des techniques informatiques ;
autrement dit, elle n’est qu’une ‘intelligence artificielle’ »[3].
Certains
considèrent l’Intelligence Artificielle comme des prothèses qui pallient aux
déficiences de notre intelligence. Aujourd’hui, l’Intelligence
Artificielle est omniprésente dans notre
vie. Grâce aux automates, nos agendas sont gérés, nos courriers électroniques
sont filtrés, on peut suivre l’évolution de son compte Mpesa, on peut être
prévenu de l’imminence d’un accident à cause de l’inattention au volant, on
peut arriver à destination même si c’est pour la première fois qu’on y va, le
pilote peut se reposer en mettant son avion en mode pilotage automatique, les
fautes de frappe peuvent être corrigées, on peut passer de la parole à
l’écriture sans toucher au clavier de son ordinateur ou smartphone, le véhicule
peut s’immobiliser pour éviter un accident grâce à l’ABS – le système de
freinage automatique, etc. En parlant de l’Intelligence Artificielle, on pense
à « la reproduction, au moyen des machines, des différentes fonctions de
notre entendement, comme la capacité de parler, de lire, de comprendre, de
calculer, de raisonner »[4]
(pensons par exemple au dialogue entre un voyageur et sa compagnie d’aviation
pour savoir si le vol sera à l’heure. On dialogue avec une machine qui vous
répond avec exactitude. Encore faut-il une bonne prononciation). Les consoles,
les jeux vidéos, le progrès de la robotique sont une expression claire du
développement de l’Intelligence Artificielle.
L’intelligence
artificielle recouvre de manière effective deux domaines très larges : la
perception et la cognition. Du point de vue de la perception, les avancées ont
été significatives en rapport avec la reconnaissance vocale et la
reconnaissance d’images ; tandis qu’en ce qui concerne la cognition, les
avancées concernent le machine learning
(on peut par exemple identifier vos intérêts à partir de vos recherches sur
internet).
Dans
ce nouveau monde algorithmique, on pense que l’Intelligence Artificielle a un
rôle très limité (une simple aide à la décision) et qu’en aucun cas elle ne
pourra remplacer l’être humain, son créateur. Les moteurs d’intelligence
artificielle sont conçus et développés par des humains. De ce fait, leurs
instructions devraient demeurer « explicables ». C’est ainsi que Mohamed Mansouri trouve qu’il serait même
impropre de parler d’intelligence artificielle d’autant plus qu’il s’agit d’une
simple fonctionnalité car cela sème de la confusion entre l’intelligence des
personnes qui l’ont créée et celle portée par les outils. Partant de
l’étymologie, le terme intelligence (Inter
et ligere) renvoie à la faculté
de lier des situations entre elles. « L’intelligence, c’est aussi ‘réagir
avec discernement face à des situations nouvelles, tirer profit de
circonstances fortuites, discerner le sens de messages ambigus ou
contradictoires, trouver des similitudes entre des situations malgré leurs
différences, trouver de nouvelles idées’, donc créer de la nouveauté »[5].
Mais l’IA ne crée pas, elle exécute les combinaisons des algorithmes. La
question qui nous hante est celle de savoir si le progrès réalisé dans ce
domaine ne se fait pas au détriment des valeurs éthiques.
D’une
part on considère que les technologies des automates sont fiables pour un bon
rendement, d’autre part on se rend compte aussi des disfonctionnements de ces
automates. La faute est alors attribuée à l’homme dans un défaut de
communication réussie entre lui et la machine. « Trop rapides, elles nous
fourvoient ; trop lentes, elles nous ennuient, notre rythme n’est pas la
leur. Nous interprétons mal les informations qu’elles nous fournissent ;
et mal informés, nous les commandons mal »[6].
Devant l’évolution de l’intelligence artificielle, l’homme est pris en étau
entre fascination et effroi. Pour ceux qui vivent la peur au ventre,
l’intelligence artificielle est une réalité fantasme qui risque de nous amener
à une troisième guerre mondiale – tant la compétition pour la supériorité de
l’intelligence artificielle se joue au plan international entre les nations.
« Les chercheurs du Facebook AI Research Lab (PAIR) ont été contraints de
désactiver un moteur d’IA après avoir constaté que ses agents conversationnels
avaient créé leur propre et unique langage que les humains ne pouvaient
comprendre »[7].
L’IA utilise les données mises à sa disposition. L’inexactitude de celles-ci ne
peut que se refléter dans les décisions de l’intelligence artificielle.
« Les systèmes de machine learning
les plus sophistiqués peuvent parfois s’avérer de véritables boîtes noires, à
tel point que les éditeurs des solutions eux-mêmes peinent parfois à expliquer
correctement la raison d’une décision d’IA »[8].
A
la peur que peut engendrer l’évolution rapide de la technologie digitale,
Geerts montre plutôt un optimiste étonnant. Selon lui, « la technologie
aura bien être omniprésente, elle le sera en arrière-plan et davantage dans un
rôle de soutien, ce qui sera positif pour notre santé (mentale). (…) Nous
devrions aboutir à une sorte d’augmented
humanity : les gens seront capables de se surpasser et deviendront
donc plus humains grâce à la technologie. (…) Internet fonctionnera comme un
‘cerveau externe’, et des algorithmes nous faciliteront la vie. La technologie
nous déchargera de tâches inutiles afin que nous disposions de plus de temps
pour les choses essentielles »[9].
Grâce
à la digitalisation et à l’Intelligence Artificielle, la connaissance est
devenue bon marché. Le monde digital permet aujourd’hui la collaboration et
l’échange de plus d’informations internationalement (Wikipédia est un exemple
éloquent). Il suffit d’un clic pour apprendre beaucoup de choses sans avoir à
débourser des milliers des dollars, euros ou francs congolais. Aujourd’hui, le
smartphone est un appareil all-in-one,
c’est-à-dire il est un téléphone, un dictaphone, un GPS, un appareil de photo,
une caméra pour les vidéos, un agenda, une encyclopédie, une vidéothèque, etc.,
Cela réduit énormément le nombre de choses que l’on pouvait avoir entre les
mains et le coût que cela représenterait si on achetait toutes ces choses
séparément. Et pour Thierry Geerts, l’homo
digitalis vivra dans un monde meilleur que celui d’avant. Cela se
remarquera surtout dans le domaine de la santé grâce à l’intelligence
artificielle car les algorithmes seront un outil supplémentaire pour les
médecins en de diagnostics plus précis.
Ce
qui est au moins sûr c’est que l’homo
sapiens est mort ; il a laissé la place à l’homo digitalis. La crise du coronavirus a montré que plusieurs
activités pouvaient se faire de manière digitale : communication avec les
membres de la famille, Visio conférence pour des réunions de travail,
télétravail, cours à distance, e-commerce (commerce en ligne), opérations
bancaires en ligne. Du point de vue environnemental, la
« sédentarisation » forcée des personnes a permis la réduction de la
pollution car le nombre des véhicules et d’avions en circulation a baissé, des
milliers d’arbres ont été épargnés de la coupe en termes de tonnes des papiers
qui pouvaient être imprimés, des milliers d’hectolitres de carburant ont été
épargnés – malheur aux économies des pays producteurs du bois, du carburant ou
autre.
Pour
Geerts, la solution à la problématique climatique et environnementale c’est
plus de technologie. Car cette dernière nous aidera à lutter contre le
gaspillage des matières premières par le fait que les appareils intelligents
sont plus économiques et durent plus longtemps. Par exemple le passage des lampes
incandescentes au LED permet d’éclairer de manière aussi précise que possible
en calculant la quantité de lumière nécessaire pour une salle ; le CD vont
disparaître pour laisser la place à l’achat de la musique à un service de streaming ; les voitures autonomes
consomment moins de carburant[10].
L’impact écologique de la dématérialisation n’est plus à démontrer (moins de
livres en dur, plus de bobines des films, des journaux, des cassettes vidéos…).
Nous pouvons dire qu’aucun secteur d’activité n’est épargné par la montée
en puissance de l’intelligence artificielle.
Cette intelligence artificielle a
des avantages du fait qu’elle est au service de l’homme et, de ce fait,
facilite l’action de l’homme dans certaines circonstances. Elle a plusieurs avantages mais aussi des
inconvénients qui touchent aux mœurs, à l’éthique qui est une discipline
philosophique portant sur les jugements moraux. Cette nouvelle technologie
apporte donc des nouveaux défis. Nous relevons ici quelques problèmes éthiques
en crise suite à l’utilisation de l’intelligence
artificielle.
II.
Intelligence
artificielle et questions éthiques.
Des
éminents scientifiques alertent sur le danger que l’intelligence artificielle
fait courir à l’humanité toute entière. C’est le cas de Stephen Hawking, Stuart
Russell, Max Tegmark et Frank Wilczek. Pour eux, « nous atteindrons très
bientôt un point de non-retour au-delà duquel nous irons inéluctablement à
notre perte sans jamais pouvoir revenir en arrière. Aujourd'hui, il est
temps ; demain, plus rien ne sera possible »[11].
C’est dans ce même sens que Jean-Gabriel Ganascia abonde quand il dit que
« l’intelligence artificielle constitue un danger inéluctable pour
l’humanité »[12].
On peut ainsi comprendre le revirement de Sébastien Vaas qui a quitté le monde
du virtuel dans lequel il était pourtant bien plongé comme programmateur pour
revenir à la vie réelle. Il exprime le danger du virtuel, surtout dans le
domaine de l’internet, dans son livre L’enfer
du virtuel. La communication naturelle pour sortir de l’isolement technologique
publié aux éditions L’âge d’homme en 2009.
L’arrivée
de l’intelligence artificielle et des robots fait peur : la peur de perdre
notre emploi au profit d’un cyborg, la peur de voir notre langue et notre culture
disparaître, la peur que l’Etat se transforme en Big Brother. C’est
l’incertitude de l’avenir qui alimente ces peurs. « Nos craintes sont
révélatrices de ce qui compte pour nous : besoin de sens, respect de la
vie privée, environnement, langue et culture, etc. »[13].
a.
Le contrôle du comportement humain. Par
l’intelligence artificielle, on veut contrôler le psychisme de l’homme. Google,
par exemple, est intéressé par la maîtrise des cerveaux. On considère que la
courbe du progrès sera exponentielle et non pas linéaire et qu’on peut
transférer le cerveau biologique à un ordinateur. En allant plus loin, avec les
nanotechnologies, on pourrait faire un travail de copier-coller en éliminant
l’ADN par la transmission des nouveaux caractères génétiques (on choisirait
alors des bébés sous catalogues). L’idée de l’amélioration de la capacité, de
l’efficacité et du rendement intellectuel de l’homme peut nous laisser tomber
dans la programmation de l’homme comme on le ferait pour toute autre machine. La
crainte c’est d’enlever à l’homme sa naturalité, son inventivité pour en faire
un produit de la technologie. Le danger est que progressivement des nombreuses
décisions seront prises automatiquement à notre place. Ainsi un clic mal fait
peut se révéler néfaste car le retour à la situation antérieure devient
presqu’impossible si l’on n’est pas expert. Nous devons reconnaître la
complexité de la nature de l’homme ; elle ne se réduit pas au seul
organisme qu’est le cerveau. Le cerveau manipule des symboles et pas des
données ; il apprend, se développe et s’auto-façonne physiquement. Alors
que l’Intelligence Artificielle est numérisé, le cerveau humain ne l’est pas.
b.
L’homme n’est pas Dieu. Il doit
reconnaître sa place. Jean-Gabriel Ganascia parle de la rationalité animiste qui
se retrouve à côté de la rationalité scientifique. Nous pouvons penser ici au transhumanisme. Ce dernier pense que
l’évolution a été jusqu’à présent le fruit du hasard et de la nécessité et que
la nature a fait un travail médiocre puisque nous sommes vulnérables aux
maladies. Il faudrait maintenant prendre en charge l’évolution de l’homme grâce
au progrès de la technologie vers une post-humanité.
L’idée c’est de changer, par la technique, la condition humaine pour : 1.
Permettre un vieillissement sain (l’homme pourra décider combien de temps
il veut vivre sur la terre); 2. Doter l’homme des capacités nouvelles
(biologiques ou intellectuelles). On créerait ainsi un cyborg, c’est-à-dire un homme hybride entre l’homme naturel et
l’Intelligence Artificielle. Il s’agit d’un homme augmenté ou d’un homme réparé (amélioré) ; 3. Tuer la mort comme but ultime du transhumanisme.
Dans
la logique du transhumanisme, l’idée c’est de créer une éternité terrestre,
l’avènement d’un monde sans fin. Dans ce sens, on ne laisserait pas venir au
monde des nouveaux nés présentant des déficiences et on ne laisserait pas
évoluer ceux qui ont des problèmes de santé. Où commence l’augmentation et où
commence la réparation (la restauration d’une fonction endommagé pour
retrouver l’équilibre)? La limite est difficile à établir[14]. L’accaparement
de la nature par la technique nous couperait de toute transcendance.
c. Du
point de vue écologique, Hans Jonas relevait déjà des problèmes éthiques avec
l’avènement de la technologie (Cf son livre Le
principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique).
D’où ses impératifs pour une éthique du futur. La technoscience, et surtout
aujourd’hui avec l’intelligence artificielle, perturbe non seulement ce qui
entoure l’homme mais aussi et surtout l’agir même de l’homme.
d. S’il
est vrai que l’Intelligence Artificielle peut aider à pallier à certaines
déficiences cognitives, il va sans dire que ceci peut rendre l’homme très
dépendant. Pensons à la difficulté que beaucoup éprouvent pour le calcul mental
même pour des petits chiffres. Il s’agit là de l’infantilisation des hommes par
la diminution de la capacité de penser par eux-mêmes (la machine fait le
travail) ; c’est un affaiblissement de la réflexion chez les utilisateurs.
La réflexion devient une affaire des experts.
e. Un
autre problème qui vient avec l’intelligence artificielle c’est celui du
chômage de milliers de citoyens dans le monde. Nous avons les robots dans plusieurs pays, surtout en
occident, qui travaillent à la place de l’homme, surtout dans des grandes
industries ; comme conséquence, le chômage s’installe et l’homme devient
de plus en plus inutile. Le travail que dix personnes feraient en plusieurs
heures, un seul robot le fait en peu de temps et de manière plus efficace. Ces
machines plongent l’homme dans la paresse en lui offrant plus de temps libre.
Plus l’homme est libre, plus il crée d’autres situations autour de lui ;
l’homme du 21 siècle veut de plus en plus explorer le monde et dépasser son
créateur en voulant, grâce à l’intelligence artificielle créer des choses
extraordinaires qui, dans plusieurs cas, se retournent contre l’homme et le
détruise. L’irruption du coronavirus, qui paralyse le monde aujourd’hui, est un
exemple.
f. Nous avons le problème de l’utilisation des poupées
sexuelles pour les hommes. Un tel objet sexuel, imitant le corps humain,
permet de pratiquer une masturbation. La
plupart des poupées sont des mannequins représentant le corps d’une femme, et
sont destinées à un public masculin. Cette pratique, on le dira jamais assez,
est contre nature et contre la moralité qui estime que l’acte sexuel ne peut
être consommé que par les êtres humains, hommes et femmes hormis les animaux.
Le fait de fabriquer les poupées sexuelles diminuent la chance de mariage et
renchérit la solitude. Or l’homme est un être social, il a besoin des autres
pour son plein épanouissement et non des êtres artificiels qui ne lui procurent
que des plaisirs éphémères. La socialisation devient impossible. C’est pareil
pour le robot masculin à la disposition du public féminin ; ceci est
contre-nature et rend les femmes tournées vers elles-mêmes.
g. La
pire des choses c’est que l’homme a tendance à attribuer à ces machines une
personnalité (une âme, un esprit) en faisant comme si elles avaient des intentions,
des connaissances, des émotions. En tout cas, comme le dit Ganascia, « les
machines fabriquées par l’Intelligence Artificielle ne possèdent pas par
elles-mêmes, la capacité de prendre le pouvoir sur l’espèce humaine et de la
réduire à l’esclavage ; d’ailleurs, pour se prémunir de leurs dangers, il
suffit de les débrancher »[15].
Mais cette proposition de débrancher les automates quand nous percevons le
danger de notre propre perte et destruction devient sans objet si l’on
considère les possibilités des automates biologiques employant des
macromolécules recombinantes ou la mise en place des nanotechnologies. Nous
avons déjà vu des films fictions où l’homme ne
sait plus maîtriser le robot qu’il a lui-même fabriqué. Le temps qu’il
met à chercher comment détruire le monstre qu’il a créé devient aussi un temps
de destruction de l’humanité. Ces fictions ne sont pas loin de devenir des
réalités. Noël Imbert Bouchard nous dit que « le transhumanisme pose un
problème anthropologique fondamental. Pour la première fois de son histoire,
l’homme pourrait s’affranchir de sa propre nature, de son histoire, de sa
culture. Au lieu de subir son évolution, il deviendrait le producteur de
celle-ci jusqu’à disparaître en tant que tel. Le sommet de son évolution serait
en quelque sorte d’avoir produit sa disparition. Virtualisé, il ne serait plus
qu’un programme indifférencié au service d’autres programmes. Babel enfin
réalisé ! »[16]
h. Certains
pensent même qu’il faut accorder une personnalité juridique à des
« personnes électroniques » pour leur garantir des droits et des
devoirs. C’est ce que propose par exemple Mady Delvaux, une élue européenne, au
parlement européen. Elle considère que parler des droits des animaux devrait
nous amener à parler des droits de la personne aux robots automates en raison
de leurs facultés à prendre des décisions. Là se pose la question de la
frontière de l’humanité. Cette revendication des droits des personnes
électroniques se fait au nom des principes généreux d’équité et de respect de
tout et de tous[17].
i.
Mansouri pense que l’usage abusif, et
d’ailleurs volontairement entretenue, de l’expression « intelligence
artificielle » engendre un problème de loyauté à deux niveaux : à l’égard
du public, puisqu’il créé une fracture entre les attentes du public et la
réalité ; et entre professionnels par le fait que certains acteurs de
cette technologie en font un usage indu au détriment d’autres[18].
Aux consommateurs, grâce à un matraquage publicitaire, on fait miroiter des
choses qui sont loin de la réalité ; les professionnels entre eux se
livrent une lutte acharnée pour gagner
le plus de monde possible. « L’IA a généré beaucoup d’attentes
irréalistes. Nous voyons quantité de business
plan affublés de références au machine
learning, aux réseaux neuronaux (…) très éloignées de leurs réelles
capacités »[19].
Le mensonge gagne du terrain dans la publicité de l’intelligence artificielle.
Dans le dialogue entre les marques et les consommateurs, ces derniers doivent
être considérés comme des partenaires et non des simples cibles.
Grâce aux mégadonnées que regorge
internet, le consommateur potentiel d’un produit est connu et ciblé par l’intelligence
artificielle. On voit un consommateur potentiel mais il n’est pas tenu compte
par exemple de ses capacités psychiques, de ses antécédents judiciaires ;
ce n’est pas un partenaire mais plutôt une cible plus ou moins consciente des
traitements effectués de ses propres données.
C’est pourquoi, comme le dit Mansouri, « pour
éviter les dérives (…), il faut dès à présent encourager l’établissement de
lignes directrices qui permettraient d’éviter ce type de ciblage
malheureux »[20].
J. L’Intelligence Artificielle pose le
problème des libertés individuelles. Le stockage en ligne des informations
sensibles pose des sérieuses questions du respect de la vie privée et même de
la sécurité. Digitalis est un pays
merveilleux mais qui pose le problème de la vie privée. On veut contrôler tous
les faits et gestes de l’ensemble des citoyens. Pour les défenseurs de l’IA, il
s’agit là d’une crainte inutile. Mais ils concèdent qu’il faut mettre en place
une réglementation stricte et efficace pour la protection de la vie privée.
L’IA est une technologie capable d’accomplir des tâches humaines grâce à des
algorithmes. Mais il faut donner à ces algorithmes des informations de qualité
(par exemple en ce qui concerne l’interprétation d’images) pour obtenir des
résultats de qualité. Certains innocents se sont retrouvés en prison alors que
les vrais criminels se la coulent douce. C’est dans ce sens que la
recommandation de l’UNESCO interdit de la notation sociale et de la
surveillance de masse parce qu’on considère que ces technologies sont très
invasives et portent atteintes aux droits de l’homme et aux libertés
fondamentales.
Conclusion
L’intelligence artificielle fait partie de notre vie quotidienne, chez
nous et au travail. Elle se cache dans nos Smartphones, nos ordinateurs et nos
objets connectés pour, certes, nous simplifier la vie. Avec nos téléphones
portatifs, notamment avec l’utilisation des réseaux sociaux, toutes les mœurs
morales sont foulées aux pieds ; tout est devenu relatif et normal :
les images obscènes, les vidéos pornographiques, la médisance, les fausses
informations sont devenues très virales sur la toile publique…
La
digitalisation a un impact sur tout et tout le monde. Mais il ne fait l’ombre
d’aucun doute que ce sont les êtres humains qui sont à l’origine de la mise en
place des combinaisons algorithmiques aboutissant à ce que nous appelons, à
tort ou à raison, Intelligence Artificielle. Il y va de leur responsabilité
« d’en conserver le contrôle, d’en garantir la transparence algorithmique,
de traiter de manière responsable les données qui lui sont injectées »[21]. Il
faut donc apprivoiser la technologie. C’est dans ce sens qu’abonde Thierry
Geerts : « En soi, les technologies sont neutres. Elles offrent des
opportunités, mais recèlent aussi des dangers. C’est la manière dont nous les
utilisons, dont nous nous informons, dont nous dépassons nos peurs et même dont
nous prenons notre vie en main qui fait la différence »[22].
Une chose est sûre : la technologie de l’Intelligence Artificielle n’a pas
la capacité de jugement ni un esprit critique ; les algorithmes ne
remplacent pas les humains. Malgré l’évolution de l’Intelligence artificielle,
il reste tout de même des spécificités humaines que la technologie ne pourra
pas enlever à l’homme : la créativité, l’empathie, la contextualisation.
Terminons notre propos en soulignant avec
l’UNESCO que l’Intelligence Artificielle a prouvé sa grande capacité à faire le
bien. Cependant, il faut contrôler ses effets négatifs. Les avancées dans ce
domaine doivent respecter l’état de droit. D’où notre insistance sur notre sens
de responsabilité pour un bien vivre ensemble harmonieux.
Prof. OKEY
WILLY, cp
Professeur
Ordinaire
Usakin
[1] J-G.
GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers
une domination programmée ?, Paris, Cavalier Bleu, 2017. (Idées
reçues). Texte en ligne consulté le 24
Novembre 2021.
[2] Ibid.
[3][3]
J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle.
Vers une domination programmée ?, op.cit.
[4] Ibid.
[5] M. MANSOURI, « L’intelligence
artificielle et la publicité : quelle éthique ? » in Enjeux numériques, n.1 (Mars 2018,
p.58.
[6] J-G.
GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers
une domination programmée ?, op.cit.
[7] M. MANSOURI, « L’intelligence
artificielle et la publicité : quelle éthique ? », op.cit., p.53.
[8] Ibid., p.57.
[9] T.
GEERTS, Homo digitalis. Comment la
digitalisation nous rend plus humains, s.l.., Lannoo, p. 13.
[10] Cf. T. GEERTS, Homo digitalis, op.cit., p. 112 – 114.
[11]M. MANSOURI, « L’intelligence
artificielle et la publicité : quelle éthique ? », op.cit., p. 53.
[12] J-G.
GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers
une domination programmée ?, op.cit.
[13] T.
GEERTS, Homo digitalis, op.cit., p.
13.
[14] On peut suivre avec intérêt la
conférence de Noël Imbert BOUCHARD, Le
transhumanisme et les spiritualités sur YouTube.
[15] J-G.
GANASCIA, Intelligence artificielle. Vers
une domination programmée ?, op.cit.
[16] N. IMBERT-BOUCHARD, « Penser le
transhumanisme est un impératif » in www.fede.education visité le 3 décembre 2021.
[17] Cf.
J-G. GANASCIA, Intelligence artificielle.
Vers une domination programmée ?, op.cit.
[18] Cf. M. MANSOURI, « L’intelligence
artificielle et la publicité… », op.cit.,
p. 54.
[19] Ibid.
[20] Ibid., p.56.
[21] M. MANSOURI, L’intelligence artificielle et la publicité, op.cit., p. 58.
[22] T. GEERTS, Homo digitalis, op. cit., p. 13.
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